Eyadéma, Dos Santos et les autres

Publié le 14 juin 2004 Lecture : 2 minutes.

Si la rumeur a « tué » Paul Biya pendant trois jours, le président camerounais n’est pas le premier chef d’État africain à avoir vécu cette expérience, dont on imagine qu’elle doit être bien étrange. Sur un mode mineur – nul, hormis « radio trottoir », n’ayant pris la nouvelle au sérieux -, Omar Bongo Ondimba, il y a quelques mois, était passé de vie à trépas dans un hôpital parisien selon la rue librevilloise. De retour chez lui, le président gabonais en fut quitte pour une belle colère contre ceux de ses collaborateurs qui n’avaient pas su étouffer la rumeur. Plus sérieusement, en 1996, l’Angolais José Eduardo Dos Santos fut annoncé comme décédé d’un cancer pendant cinq jours. Le fonctionnement du palais présidentiel de Luanda s’apparentant à celui de la Cité interdite de Pékin, le démenti fut long à venir, mettant fin à l’accès de fièvre qui avait saisi les capitales voisines.
Au cours de l’année 1993, alors que le président ivoirien allait de plus en plus en mal dans la clinique suisse où il était traité, le décès de Félix Houphouët-Boigny fut plusieurs fois suggéré… avant le coup de gong final. Mais l’expérience la plus proche de celle de Paul Biya a sans doute été vécue par Gnassingbé Eyadéma. Soigné en août 2003 à Milan pour une affection de la gorge, le président togolais séjournait dans son village de Pya quand brusquement, au cours de la nuit du 9 au 10 septembre, une information venue des États-Unis et propagée via Internet annonça sa mort. Pendant plus de vingt-quatre heures, elle fut tenue pour véridique par l’opposition, en dépit des images télévisées d’audiences accordées par le général à Pya : « images d’archives » selon les uns, « sosie d’Eyadéma » selon d’autres. Il fallut que le concerné regagne Lomé pour que le soufflé retombe…
Ces rumeurs aussi macabres que récurrentes ne sont en fait que l’expression paroxysmique des bruits de fond permanents qui circulent à propos de l’état de santé des chefs. Parfois exacts – comme dans le cas du Guinéen Lansana Conté -, mais le plus souvent invérifiés et invérifiables, ces pseudo-bulletins de santé alarmistes n’épargnent personne ou presque. Au cours de ces dernières années, les présidents Déby, Obiang Nguema, Mugabe, Ben Ali, Ould Taya, Kérékou, Sassou Nguesso, pour ne citer qu’eux, en ont fait l’objet. La solution réside-t-elle dans la communication démocratique, transparente et régulière des pathologies dont souffrent les « grands » ? En théorie, oui. Mais depuis que ce bon docteur Gubler a révélé à quel point il avait, des années durant, dissimulé le cancer dont souffrait François Mitterrand, il est permis d’en douter.
Reste donc une seule certitude : les chefs d’État ne sont pas immortels, et ceux qui annoncent leur décès ne font qu’anticiper sur un événement inéluctable. D’ici là, la rumeur, telle une hydre, ne cessera jamais de renaître.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires