[Tribune] Élection de Joe Biden : « Welcome back America ! »
Après quatre années de présidence Trump, qui n’a jamais fait mystère de son manque total d’intérêt pour le continent, les Africains attendent, avec l’élection du démocrate Joe Biden, un renouveau des relations entre les États-Unis et l’Afrique.
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Aminata Touré
Militante des droits humains, ancienne Première ministre et ex-présidente du Conseil économique, social et environnemental.
Publié le 9 novembre 2020 Lecture : 4 minutes.
L’ère Trump s’est résumée à quatre années de sécheresse diplomatique absolue dans les relations marquées par l’histoire entre les États-Unis et l’Afrique. Le désormais « President-eject » n’a jamais fait mystère de son total manque d’intérêt pour le continent noir.
Faut-il se rappeler, pour ne jamais cesser de s’en indigner, ses propos sur l’Afrique tenus en 2018 lors d’une entrevue avec plusieurs sénateurs dans son bureau oval de Washington, propos rapportés par le Washington Post : « Pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues de pays de merde viennent ici ? » s’était exclamé l’homme qui dirigeait la première puissance mondiale.
Cela a au moins eu le mérite d’être clair et de ne point entretenir d’enthousiasme débordant quant aux perspectives de coopération entre les États-Unis d’Amérique et l’Afrique durant la présidence de Trump. Et il en fut bien ainsi.
Des pays africains sanctionnés
Dès son accès à la tête du pays, l’un des tout premiers décrets pris par Trump a été de mettre sous restriction de visa d’entrée aux États-Unis les ressortissants de plusieurs pays à fortes populations musulmanes. Les ressortissants de la Libye et du Soudan se sont vu tout simplement refuser l’accès au sol américain.
En janvier 2020, Trump décida qu’il serait désormais interdit aux ressortissants du Soudan, de la Tanzanie, de l’Érythrée et du Nigeria de s’installer aux États-Unis, fermant ainsi la porte à tous ceux qui étaient en droit de rejoindre légalement un père, une mère ou un mari installé en Amérique. Selon Donald Trump, ces pays africains étaient sanctionnés pour non-conformité aux règles de sécurité par lui exigées.
Si la Zlecaf a encouragé les grands pays industrialisés à renforcer leurs échanges commerciaux avec le continent, ça n’a pas été le cas pour les États-Unis
Avant que la crise du Covid-19 installe une incertitude généralisée quant à l’avenir immédiat du marché mondial, la plupart des économies africaines affichaient un dynamisme prometteur, avec un taux de croissance continental moyen de 3,4 %. Si la perspective de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) a encouragé les grands pays industrialisés à renforcer leurs échanges commerciaux avec les pays africains, ce n’est pas le cas pour les États-Unis.
En 2018, ils ont commercé avec l’Afrique pour environ 61,8 milliards de dollars. En 2019, ces échanges sont tombés à 56,8 milliards de dollars, soit une baisse de 8,07 %, alors que pour la période 2018-2019 les échanges commerciaux entre la Chine et les pays africains ont progressé de 2,2 %, pour se situer à 208 milliards de dollars.
Se soumettre ou se démettre
Bien que l’Afrique subsaharienne ne pèse pas plus de 1,5 % des exportations américaines, et 1 % de ses importations, selon le ministère américain du Commerce, l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), signé par le président Bill Clinton en 2000, a permis à de nombreuses entreprises africaines d’accéder au marché américain. Le programme américain « Generalized System of Preferences- GSP » a aussi visé à favoriser les exportations des pays subsahariens.
Ensemble, l’Agoa et le GSP ont permis l’accès de 6400 produits venant de 38 pays subsahariens. Même si la clause clairement formulée « de ne pas s’opposer aux intérêts américains » rappelle que les États ont avant tout des intérêts intangibles, plus encore sous le régime du « America first » de Donald trump.
C’est justement dans cette brèche qu’il s’est engouffré, à la demande de l’Association américaine de textiles d’occasion et recyclés (Smart), pour faire pression, en 2015, sur le Kenya, le Rwanda, l’Ouganda et la Tanzanie.
Ces pays africains voisins s’étaient mis d’accord pour augmenter les taxes sur les fripes américaines afin de protéger leurs propres marchés intérieurs du textile. Seul le Rwanda a finalement maintenu cette décision et, en retour, il s’est vu infliger une suspension de la préférence commerciale accordée à l’exportation de ses produits textiles vers les États-Unis. La méthode Trump, « se soumettre ou se démettre », n’a pas failli.
Respect, solidarité et intérêts mutuels
- novembre après son discours célébrant sa victoire, à Wilmington dans le Delaware." width="2560" height="1706" />
- Andrew Harnik/AP/SIPA
Avec la victoire de Joe Biden, c’est un renouveau des relations entre les États-Unis et l’Afrique qui est vivement attendu par les Africains
Dans le domaine de la sécurité, les États-Unis sont devenus au fil des deux dernières décennies un partenaire de plus en plus important pour l’Afrique, notamment après les attentats de 1998 contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya. Ce qui a conduit à un renforcement de la coopération en matière de sécurité, avec la création, en 2007, d’un commandement miliaire régional pour l’Afrique : l’Africa Command (Africom), qui contribue également au renforcement de l’expertise des cadres militaires africains.
À la fin de 2019, Donald Trump a annoncé la réduction drastique des troupes américaines en Afrique, qui s’élèvent actuellement à 7 000 soldats. Selon le New York Times, il avait d’ailleurs instruit son ministre de la Défense de lui proposer un plan de retrait des troupes qui luttent contre les terroristes auprès des armées locales africaines pour leur redéploiement en… Asie.
Avec la victoire de Joe Biden, c’est un renouveau des relations entre les États-Unis et l’Afrique qui est vivement attendu par les Africains et un renforcement de la coopération fondée sur le respect, la prise en compte équitable des intérêts mutuels et la solidarité entre les peuples américain et africain.
Après tout, nous partageons un peu en commun le président Barack Obama. Nous partageons surtout une histoire commune de plus de deux siècles qui justifierait, à défaut de réparations pour les dommages causés par l’esclavage, la mise en place d’une coopération sincère et mutuellement bénéfique entre l’Afrique et les États-Unis.
Alors « Welcome back America! »
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