Gérald Darmanin à Tunis : mission inaccomplie

Venu convaincre les autorités de faciliter les procédures de rapatriement des Tunisiens clandestins, le ministre français de l’Intérieur n’a obtenu qu’une réponse dilatoire.

Le ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin et son homologue tunisien Taoufik Charfeddine à l’aéroport de Tunis-Carthage le 6 novembre 2020. © Mohamed Hammi/SIPA

Le ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin et son homologue tunisien Taoufik Charfeddine à l’aéroport de Tunis-Carthage le 6 novembre 2020. © Mohamed Hammi/SIPA

Publié le 9 novembre 2020 Lecture : 2 minutes.

En quittant Alger le 8 novembre, le ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin pouvait avoir le sentiment d’une mission accomplie. À l’issue de cette dernière étape d’un tour entre les capitales de Méditerranée centrale, il avait salué très chaleureusement la « coopération continue » et la vision partagée avec Alger en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme.

Il ne peut pas en dire autant de la Tunisie qui a été sa première escale au Maghreb, le 6 novembre. L’auteur de l’attentat du 29 octobre à la basilique de Nice est un jeune Tunisien arrivé clandestinement le 9 septembre en Italie. De quoi donner du poids à la demande des autorités françaises, lesquelles réclament de la Tunisie qu’elle soit moins récalcitrante à émettre des laissez-passer pour reconduite aux frontières de ressortissants tunisiens indésirables sur le sol français.

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Davantage de coopération antiterroriste

À Tunis, le ministre français — dont le grand-père Rocco est né à Béja — a plaidé pour davantage de coopération antiterroriste et de lutte contre la migration irrégulière auprès du président de la république Kaïs Saïed, du ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine, du ministre des Affaires étrangères, Othman Jerandi et du chef du gouvernement, Hichem Mechichi.

Sur la forme, aucun problème : chacun de ses interlocuteurs a acquiescé, d’autant, ont-ils fait valoir, que la Tunisie est en première ligne sur cette problématique sécuritaire. Mais très vite, Gérald Darmanin qui, selon son entourage doit « relancer la machine » des expulsions, a déchanté en présentant une liste de 21 Tunisiens susceptibles d’être rapatriés.

À sa grande surprise, son homologue Taoufik Charfeddine a adopté sur ce point la position prise en 2016 par le président défunt Béji Caïed Essebsi : « La question d’un certain nombre de Tunisiens qui se trouvent en France en situation illégale, est soumise obligatoirement à une coordination préalable avec les autorités tunisiennes compétentes et au respect des procédures généralement admises à cet égard, dans le cadre du respect de la loi et de la préservation de la dignité des droits des déportés et conformément aux critères de souveraineté nationale. » Pour résumer cette réponse dilatoire : la Tunisie ne fournira pas de laissez-passer de façon systématique.

Pour Paris, tous les prétextes sont bons pour contrer les flux de clandestins

De quoi jeter un froid sur une opération qui semblait bien partie. Selon des sources sécuritaires locales, Tunis souhaiterait aussi que ses demandes d’extradition de Belhassen Trabelsi et Moncef Matri, proches parents de Ben Ali lourdement condamnés, notamment pour corruption, en Tunisie, soient examinées par les autorités françaises.

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« Pour Paris, tous les prétextes sont bons pour contrer les flux de clandestins, repartis à la hausse depuis deux ans. Cette réactivité à l’attentat a pour objectif réel de juguler la migration irrégulière. La France, chantre de la migration choisie, se substitue à l’Union européenne pour prendre les rênes de la question migratoire », commente un politologue.

Grands principes et hyper sensibilité ralentissent ainsi les procédures. « Il aurait fallu plus de doigté, la Tunisie a eu l’impression d’être considérée comme responsable de ce terrorisme alors que la France elle-même ne rapatrie pas ses terroristes identifiés au Moyen-Orient. A fortiori quand le ministre Darmanin a précisé que sur les 30 derniers terroristes recensés, 22 étaient Français et que le danger était aussi endogène », souligne un gradé du pôle anti terroriste à Tunis.

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