« Elektrik Makossa », le voyage afro-rock de Bafang
Le duo français Bafang retrouve ses racines en pays bamiléké dans « Elektrik Makossa ». Un premier album où se mêlent guitares abrasives et funk groovy.
« Au début, on racontait un peu n’importe quoi », avoue le pince-sans-rire Enguerran, 36 ans, moitié du duo Bafang, qu’il forme avec son frère, Lancelot, 33 ans. Difficile d’imaginer ce qui relie ces Normands aux noms de chevaliers de la table ronde à cette ville située en pays bamiléké. Et pourtant, c’est bien dans la commune de Bafang, dont sont originaires leurs grands-parents paternels, que ces joyeux lurons ont puisé l’inspiration de leur premier album aux couleurs afro-rock, Elektrik Makossa (Soulbeats Records).
Plus question pour le tandem de jouer l’approximation linguistique en abusant de « Google Trad ». Le benjamin a fait appel à un ami camerounais, qui a lui-même fait vérifier l’exactitude grammaticale des textes à sa mère. « On a tenté au départ de se référer à la littérature, mais il n’existe que deux livres de traduction bamiléké qui datent des années 1970 ! C’était pas très adapté à notre époque », ironise Enguerran.
Voyage initiatique
Bamiléké, douala, ewondo… Ces rockeurs de formation, qui jouent et composent en français et en anglais depuis vingt ans, ne se sont pas laissé impressionner et ont appris à chanter non pas en une mais en trois langues pour les besoins de l’album. « Pendant les répétitions, notre entourage nous reprenait sur la prononciation et se moquait un peu de nous ! » se souvient Enguerran, amusé. Aujourd’hui rodés à l’exercice, les frangins livrent avec ce premier coup d’essai un hommage à leurs racines, notamment à travers le morceau « Bamiléké Nation ».
Le duo de rockeurs rêve d’entreprendre une tournée africaine
Un voyage sonore initiatique pour ce duo qui rêve d’entreprendre une tournée africaine – Maroc, Mauritanie, Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Bénin et Nigeria et bien sûr Cameroun. « On connaît plutôt bien Bafang et le Cameroun, on a dû y séjourner une dizaine de fois avec mon frère. Et ma mère y est même allée pour faire notre promo sur place ! glisse l’aîné. Il nous tarde de jouer là-bas, on sait que nos amis nous attendent. »
Manu Dibango et Jimi Hendrix
Si les Bafang ont déjà défendu leurs rythmiques afro-électriques à l’Institut français de Djibouti, c’est d’abord dans l’Hexagone, aux Trans musicales de Rennes, qu’ils ont fait vibrer la foule à coup de riffs de guitare abrasifs – reliée à cinq amplis ! – et de groove makossa.
Un joyeux bazar sonore qui nous fait voguer d’Évreux, leur bourgade d’origine – où « Jimi Hendrix s’est produit en 1966 », aime rappeler Enguerran –, aux soirées fiévreuses des maquis. Les frérots rêvent de mettre le feu à leur guitare, comme l’avait fait la légende de Woodstock.
Mais c’est surtout la piste de danse qu’ils invitent à embraser à travers un hommage à la musique urbaine de Douala, popularisée par le maître du genre, feu Manu Dibango. « Notre rêve ultime aurait été de le rencontrer et de jouer avec lui », confie l’interprète de « Ibabemba » (« explosion de soleil », en référence à l’un des titres du « papagroove »).
États-Unis d’Afrique
Cet opus sans frontières puise aussi ses références dans la transe des lilas. « J’ai beaucoup voyagé dans le Sahara occidental, j’ai appris le guembri aux côtés des musiciens gnaoua, et je ne sors jamais sans mon chèche quand je me produis sur scène », affirme le cadet, qui signe avec Lancelot les titres « Essaouira » et « Abdouliloula », interprétés en darija marocain.
Nulle intention pour autant de s’approprier la culture des autres. « Notre message est rassembleur. On déteste parler de Maghreb, d’Afrique noire, de l’Ouest ou de l’Est. Ce serait tellement beau qu’un jour on puisse parler du continent comme des États-Unis d’Afrique » !
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