« Allô ! Sais-tu si… ? »

Publié le 14 juin 2004 Lecture : 2 minutes.

Vendredi, minuit. Première sonnerie, premier appel : « Sais-tu si… ? » Rire. J’indique à mon correspondant que je suis dans un restaurant-cabaret de Douala, et que j’aperçois un collaborateur de la présidence attablé, et bien à l’aise. Ce ne serait certes pas le cas « si… ».
Je raccroche. Et je n’éprouve même pas le besoin d’en parler au diplomate qui m’accompagne.
Samedi, tôt le matin. Cette fois, c’est le diplomate qui me téléphone pour me demander si j’ai confirmation d’une affreuse nouvelle. Stupeur. Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Je compose à mon tour le numéro d’un ami à Yaoundé. Lui aussi « en » a entendu parler, et cherche désespérément à démêler le vrai du faux. Une activité qui va devenir le passe-temps quasi obligé de tout un chacun dans les heures qui viennent.
Les Camerounais sautent sur leurs téléphones portables pour appeler leurs amis expatriés en pensant qu’ils disposent d’informations vérifiées, pendant qu’au même moment, en sens inverse, les expatriés cherchent à joindre leurs amis camerounais en espérant qu’ils ont accès aux secrets les mieux gardés. Résultat : les expatriés inquiètent les Camerounais et les Camerounais angoissent les expatriés.
On pense alors demander à des journalistes établis en France si… Mais ces derniers étaient justement sur le point de vous poser la même question. Histoire d’obtenir, enfin, une confirmation. Et les uns et les autres voient dans leurs démarches réciproques le signe « qu’il se passe donc bien quelque chose ».
L’ambassade de France s’efforce avec vigueur de rassurer. Évidemment, on se méfie. C’est peut-être une réponse de convenance. Et puis d’autres diplomates, de pays tiers, vous contactent à leur tour, car ils cherchent, eux aussi, une vérité… Alors le bruit enfle. Une source « sûre » du Quai d’Orsay, ou de la cellule africaine de l’Élysée, aurait confirmé. Certains disent même que des officiels ont réservé leur siège sur le vol Air France du samedi soir.
Dimanche, le Cameroun des « sachant » se réveille sonné, ivre de bruits aussi contradictoires qu’incessants. La radio, la télé, démentent. C’est louche. Tout veut dire son contraire. On décrypte ce qui ne l’est pas, et on crypte ce que l’on doit se résoudre à interpréter.
La nouvelle serait venue par Internet. Aussitôt amplifiée, par téléphone mobile d’abord, depuis Yaoundé. Ces derniers temps, les internautes camerounais se plaignaient pourtant d’un afflux de virus, spams, hoax et autres urban legends. Mais personne n’a reconnu la véritable nature hybride de cette rumeur. Légende urbaine de très mauvais goût (elles le sont d’ailleurs toutes en général), hoax (canular) est fait pour être répété à l’envi, même de bonne foi, sur tout le réseau, et pour s’automultiplier. Chaque destinataire devenant à son tour un messager obligé.
Une chose est déjà sûre : Orange et MTN, les deux opérateurs de téléphonie mobile, ont fait en trois jours une recette de Noël.

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