Helen Zille : une femme de terrain

Arrivée à la tête de la principale formation de l’opposition, Helen Zille entend ébranler la toute-puissance de l’ANC.

Publié le 15 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

Femme, et blanche de surcroît, elle a déjà remporté la mairie de l’une des plus grandes villes du pays face à la machine du Congrès national africain (ANC), et la voilà qui prend maintenant la tête du principal parti d’opposition à la formation mythique, aujourd’hui dirigée par Thabo Mbeki. Helen Zille (56 ans) a donc remplacé, le 6 mai, à la direction de l’Alliance démocratique (DA), Tony Leon, qui part à la retraite après sept ans de bons et loyaux services. De 1,7 % en 1994 – il s’agissait alors du Parti démocrate -, la DA est passée à 12 % aux dernières élections de 2004. S’il a réussi à faire de l’Alliance une formation incontournable dans le paysage politique, Leon a échoué dans sa seconde priorité : briser l’image de « parti blanc » que la DA traîne depuis sa création et sa brève fusion, en 2000, avec le Nouveau Parti national (NNP – héritier du Parti national au pouvoir sous l’apartheid). C’est la tâche à laquelle Helen Zille devra principalement se consacrer. Consciente de ne jamais pouvoir accéder à la magistrature suprême, elle déclare toutefois avoir pour ambition d’installer durablement dans les mentalités la réalité d’une opposition politique. Ébranler la domination de l’ANC sur tous les cercles de pouvoir, tel sera son cheval de bataille. Et Zille, qui parle l’anglais, l’afrikaans et le xhosa, ne manque pas d’arguments pour faire valoir ses compétences en la matière.
Si la DA est devenue, petit à petit, le poil à gratter de l’ANC, c’est en partie grâce à elle. Surtout depuis mars 2006. Lors des élections municipales, elle réussit le coup de maître de remporter la mise au Cap, troisième ville du pays avec plus de 3 millions d’habitants. Elle devient le maire d’une des seules grandes agglomérations qui échappent à l’ANC. Le parti au pouvoir lui en fait d’ailleurs voir de toutes les couleurs, allant jusqu’à vouloir réformer le système de gestion de la grande ville du Sud pour enlever tout pouvoir à son édile. Sans succès. Zille s’accroche et, à force de rigueur et de ténacité, se fait accepter par ses administrés.
Cette quinquagénaire, mère de deux garçons, au visage pâle toujours souligné de deux traits impeccables de rouge à lèvres, aux cheveux blonds soigneusement coupés, a certes su séduire l’électorat du sud de son pays, plus métis (« coloured »), plus blanc et plus frondeur. Mais elle peut également s’appuyer sur une histoire personnelle faite de combats contre l’apartheid.
En 1974, jeune étudiante, elle devient journaliste au Rand Daily Mail. En 1977, elle signe un scoop sur le décès de Steve Biko, l’un des fondateurs du Mouvement de la conscience noire (BCM). Le régime raciste prétend que le meneur de la révolte de Soweto en 1976 est mort en prison, à la suite d’une longue grève de la faim. Zille découvre que Biko a succombé, en réalité, aux tortures infligées par les policiers. La violence du régime d’apartheid commence à être exposée au grand jour. Zille quitte le journalisme et s’engage dans plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, comme le Black Sash, une organisation de femmes blanches opposées à la discrimination raciale.
La libération de Mandela et l’instauration d’une réelle démocratie en Afrique du Sud la poussent en politique. Dans l’opposition, elle participe, du côté du Parti démocrate (DP), à la Codesa, le forum qui dessine la future Constitution. En 1999, elle figure sur la liste électorale provinciale de la DA, est élue, puis nommée ministre de l’Éducation du Cap occidental. En 2004, les élections générales la font entrer dans les belles bâtisses du Parlement sud-africain au Cap, qu’elle quitte, deux ans plus tard, pour franchir la porte de la mairie.
C’est dorénavant une autre tâche que lui ont confiée les militants de la DA, la jugeant plus apte à susciter l’agacement de l’ANC que ses deux concurrents, Joe Seremane, un ancien prisonnier politique (qui, pourtant, est noir) ou encore Athol Trollip, un fermier.
Les Sud-Africains savent qu’Helen Zille n’a pas l’intention de s’en laisser conter. Et le premier d’entre eux, le chef de l’État Thabo Mbeki, a préféré prendre ses précautions en lui passant immédiatement un coup de fil pour la féliciter de son élection. Y a-t-il meilleure preuve de la vivacité de la démocratie sud-africaine qu’une reconnaissance, par le président himself, de l’existence et du mérite d’une opposante déterminée ?

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