[Tribune] Covid-19 : les bailleurs de fonds ne doivent oublier ni les femmes, ni le climat
En plus de l’apport de liquidités aux entreprises, les Institutions de développement ne doivent pas perdre de vue les défis de long terme, estime cette directrice adjointe des investissements au sein du britannique CDC.
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Yasemin Saltuk Lamy
Directrice adjointe des investissements pour les Catalyst Strategies, CDC
Publié le 10 novembre 2020 Lecture : 4 minutes.
L’impact économique du Covid-19 sera sévère et durable partout dans le monde. L’Afrique, par exemple, devrait traverser sa première récession depuis un quart de siècle. Cette situation aura des impacts considérables sur les niveaux de pauvreté, l’emploi et même la sécurité alimentaire.
McKinsey estime que 9 à 18 millions d’emplois formels devraient disparaître en Afrique, et que 100 millions d’emplois informels sont particulièrement vulnérables.
Face à cette situation, les IFD ont dû se mobiliser ces six derniers mois, à la fois dans l’immédiat, pour protéger leurs portefeuilles existants, mais aussi dans la durée. L’action des bailleurs de fonds – à savoir, soutenir la stabilité économique pour permettre à un pays de sortir de la pauvreté, en apportant au secteur privé du capital à long terme – n’a jamais été plus essentielle qu’aujourd’hui.
Des liquidités pour donner une « ligne de vie » aux entreprises
Lorsque nous avons pris conscience de l’ampleur et des conséquences de la pandémie, nous avons concentré les réponses de CDC sur trois domaines : préserver la capacité d’impact et la stabilité financière des entreprises dans lesquelles nous avions déjà investi (soit un portefeuille de plus de 1 200 entreprises qui, ensemble, font travailler plus de 800 000 personnes) ; renforcer celles qui développent leurs propres solutions pour répondre aux défis économiques et sanitaires posés par la crise ; et aider les économies à se reconstruire.
Nous avons accéléré notre temps de réaction pour pouvoir répondre aussi vite que possible aux besoins urgents de nos entreprises.
Nous nous sommes mobilisés pour apporter des liquidités et compenser ainsi le retrait d’autres capitaux, en nous appuyant sur des partenariats bancaires pour procurer cette « ligne de vie » aux entreprises au moment où elles en avaient le plus besoin, pour assurer la continuité de l’exploitation, maintenir les chaînes d’approvisionnement et préserver ainsi l’économie et les moyens de subsistance. Depuis le début de la pandémie, nous nous sommes engagés sur plus de 400 millions de dollars de liquidités systémiques.
Le conseil et l’assistance technique, des postes clés
En juillet dernier, par exemple, nous nous sommes appuyés sur un partenariat existant avec la banque panafricaine Absa, à laquelle nous avons procuré 75 millions de dollars supplémentaires pour lui permettre de maintenir pendant la crise son appui aux chaînes d’approvisionnement.
Pour les femmes, la pandémie a exacerbé certaines difficultés préexistantes
Nous avons pour cela utilisé une facilité qui incite spécifiquement les prêteurs à renforcer les financements commerciaux dans certains des pays africains les plus vulnérables, et dans des secteurs essentiels pour couvrir les besoins élémentaires en temps de crise : alimentation, santé et sécurité.
Le rôle des IFD dans la crise est allé au-delà du seul apport de financements, avec des prestations de conseil et d’assistance aux employeurs, aux investisseurs et aux institutions financières, sur des sujets pouvant aller de la protection de l’emploi et du consommateur au télétravail, ou au retour sur le lieu de travail. À ce jour, notre équipe a ainsi validé 47 projets d’assistance technique, dans différents secteurs d’activité.
Les femmes particulièrement touchées
La crise évolue désormais vers des défis à plus long terme, et a notamment de lourdes conséquences dans des domaines stratégiques que sont l’égalité des sexes et le changement climatique.
Selon les estimations de McKinsey, le risque pour une femme de perdre son emploi du fait de la pandémie est ainsi près de deux fois plus élevé que celui encouru par un homme. Souvent, les femmes travaillent aussi dans des secteurs particulièrement susceptibles de subir les bouleversements négatifs liés au Covid-19, et elles occupent des emplois informels faiblement qualifiés et mal rémunérés, avec des risques plus importants de perte d’emploi et de revenus.
La pandémie a également exacerbé certaines difficultés préexistantes, notamment celles que doivent affronter les femmes entrepreneures pour accéder au capital, ou la faible proportion de femmes dans les postes de direction.
C’est la raison pour laquelle il est essentiel que les IFD travaillent ensemble à favoriser une reconstruction des entreprises et de l’économie plus favorable aux femmes. Nous avons collectivement appelé à ce que les investisseurs prennent davantage en compte la thématique du genre dans leur approche, à la fois dans les réponses immédiates apportées à la crise et dans les solutions de plus long terme.
Cela implique notamment une collaboration avec les intermédiaires financiers pour favoriser l’accès des femmes aux financements, mais aussi la défense et la promotion d’un solide réservoir de talents féminins dans l’ensemble de la population active.
Une transition juste de l’économie vers la neutralité carbone
Nous savons qu’aider les entreprises à devenir résilientes ne consiste pas seulement à leur permettre de survivre aux prochaines pandémies. Cela consiste aussi à bâtir des entreprises qui sauront résister aux effets du changement climatique et à soutenir les économies dans leur transition écologique. Pour nous, cela implique trois choses.
Premièrement, s’assurer que notre portefeuille d’investissements atteigne des émissions nettes de zéro à l’horizon 2050.
Deuxièmement, soutenir une transition juste de l’économie vers la neutralité carbone, en mettant la création d’emplois décents et le développement des compétences aux avant-postes du changement – toutes choses qui devraient avoir la pleine attention des gouvernements au sortir de la crise du coronavirus.
Et enfin, parce que nous savons que les pays d’Afrique et d’Asie du Sud où nous investissons sont particulièrement vulnérables aux conséquences du changement climatique, renforcer l’adaptation et la résilience des secteurs d’activité, des communautés, des entreprises et des individus à ces paramètres.
Ce texte est adapté d’un article paru dans le dernier numéro consacré aux banques publiques de développement de la revue trimestrielle Secteur privé & développement éditée par Proparco, filiale de l’Agence française de développement. Il est repris ici avec l’autorisation expresse de SP&D et de son auteur.
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