Terrorisme – Pierre Conesa : « La diplomatie française n’est pas préparée à surveiller le champ religieux »

Dans son dernier livre, « Avec Dieu, on ne discute pas », cet ancien fonctionnaire de la Défense française analyse l’impact du fait religieux sur la géopolitique. Entretien.

Pierre Conesa, auteur de « Avec Dieu, on ne discute pas ». © Emmanuel Robert-Espalieu/Opale/Leemage

Pierre Conesa, auteur de « Avec Dieu, on ne discute pas ». © Emmanuel Robert-Espalieu/Opale/Leemage

Publié le 11 novembre 2020 Lecture : 7 minutes.

Pierre Conesa est comme la chauve-souris de La Fontaine, qui se targuait tout à la fois d’être oiseau et souris. Ancien fonctionnaire à la Défense française, notamment au poste nodal des « Affaires stratégiques », il navigue depuis entre expertise et conseil en intelligence économique, des cours dans diverses institutions à ses activités d’auteur.

Qu’il interroge le soft-power hollywoodien (Hollywar : Hollywood, arme de propagande massive) ou la diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite (Dr Saoud et Mr Djihad : la diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite, préface d’Hubert Védrine), Pierre Conesa refuse le primat de l’État et de la seule puissance militaire comme seuls acteurs et puissances dans la société internationale.

Comme le note Farhad Khosrokhavar dans sa préface, Pierre Conesa n’est pas « un chercheur spécialisé et il le dit sans ambiguïté ». Effectivement, son ouvrage ne prétend pas à une exhaustivité académique. Il pioche ici et là, mêle larges mouvements d’analyse et anecdotes afin de nourrir sa réflexion sur le religieux comme fait international.

L’occultation d’autres radicalismes

D’emblée, l’auteur le précise : « Le but de cet essai est de démontrer que le concept de « radicalisation » et la « guerre globale contre le terrorisme » ont dans le monde occidental été essentiellement employés à expliquer les dérives salafistes de l’islam sans jamais le mettre en lien avec d’autres postures religieuses radicales. » Cette focale biaisée déformerait la perception des musulmans et de l’islam en Occident.

Comment expliquer la politique de Donald Trump sans tenir compte du poids des évangéliques messianiques ?

Autre conséquence, l’occultation d’autres radicalismes tout autant perturbateurs ou structurants du jeu international. Car comment expliquer la politique de Donald Trump sans tenir compte du poids des évangéliques messianiques ?

Comment comprendre le conflit israélo-palestinien sans observer avec minutie le poids de l’orthodoxie juive sur la politique de Benjamin Netanyahou ? Comment comprendre l’Inde sans interroger l’influence des bouddhistes et des hindouistes du BJP (Bharatiya Janata Party) ?

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Et Dieu, dans tout ça ? Tel pourrait être le résumé de son nouveau livre, Avec Dieu, on ne discute pas, dont le sous-titre « Les radicalismes religieux : désislamiser le débat » (Robert Laffont) donne le ton : iconoclaste.

La thèse de l’ouvrage tient à cette idée : le monde, malgré la focale mise sur l’intégrisme musulman, est traversé par d’autres radicalismes religieux. Tout aussi virulents, tout aussi potentiellement ou réellement violents, tout autant perturbateurs ou transformateurs du jeu des relations internationales.

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De l’hindouisme aux courants protestants évangéliques, du judaïsme saisi dans sa dynamique sioniste au bouddhisme, l’ancien haut fonctionnaire étudie dans ce livre dense comment la religion façonne le politique.

Jeune Afrique : Pourquoi les dynamiques religieuses comme faits géopolitiques sont-elles si peu perçues en France ? Est-ce dû à une vision « laïque » de la politique ?

Pierre Conesa : Dans sa préface à mon précédent livre, Dr Saoud et Mr Djihad, Hubert Védrine faisait remarquer que, en tant qu’ancien ministre des Affaires étrangères, il n’avait sans doute pas mesuré l’impact des phénomènes religieux.

Il expliquait cela par le fait que la France est un pays de vieille tradition laïque et que les ambassadeurs n’étaient pas mandatés ni formés en cela. Védrine constatait donc qu’il n’y avait pas eu de préparations de la diplomatie française à surveiller le champ religieux.

À la chancellerie, aucun arabophone, sinon un Libanais chargé de traduire la presse

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