Pétrole et dépendance

Les ressources agricoles, forestières et minières permettraient au pays, encore trop dépendant des hydrocarbures, de diversifier ses activités.

Publié le 15 mai 2007 Lecture : 4 minutes.

Les signes sont encourageants. Toutefois, les performances économiques du Gabon restent en deçà de ce que le potentiel national permettrait d’atteindre, un potentiel qui repose principalement sur les ressources agricoles, forestières, maritimes et minières. En raison du faible développement du tissu économique et d’une dépendance accrue vis-à-vis de l’exploitation de richesses naturelles non renouvelables, la population n’a pas encore profité d’un développement partagé. En 2006, le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) a atteint 1,2 %, contre 3 % un an auparavant, selon le Fonds monétaire international (FMI). D’après le rapport 2006 établi par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), le Gabon, pays à revenu intermédiaire, n’arrive qu’à la 124e place selon les indicateurs du développement humain (IDH). « La stratégie de croissance en vue de la réduction de la pauvreté, à l’horizon 2010, repose sur un certain nombre d’actions susceptibles de déboucher sur une inversion des tendances actuelles et d’insuffler une nouvelle dynamique », estime néanmoins l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). De fait, les prévisions du FMI tablent sur une croissance de 5,6 % en 2007. La flambée des cours du pétrole est l’une des explications de ce regain de forme qui a par ailleurs entraîné, l’an dernier, une augmentation de 10,5 % des recettes de l’État. Mais parallèlement, les autorités ont été dans l’obligation de mettre la main à la poche. Le 5 mars, le gouvernement a annoncé une série de mesures, regroupées dans un collectif budgétaire, visant à « atténuer l’impact social » de la hausse de 25 % des prix de l’essence à la pompe. Plus de 2 milliards de F CFA (3 millions d’euros) ont ainsi été affectés à la gratuité de l’eau et de l’électricité pour les ménages les plus pauvres. Une rallonge de 3 milliards va, par ailleurs, financer des actions de lutte contre le paludisme ainsi que la construction de centres de santé. Quant à l’éducation, la gratuité des frais d’inscription et des manuels scolaires a été reconduite pour un coût global de 3,5 milliards.
Trois jours plus tôt, le litre de super était passé de 475 F CFA à 595 F CFA et celui du gazole de 370 F CFA à 470 F CFA. Depuis 2002, le gouvernement prenait en charge une partie du prix des carburants. Des frais considérables, sans cesse accrus, qui ne profitaient finalement qu’aux classes aisées propriétaires de véhicules. Dans le cadre des efforts d’assainissement des finances publiques, cette mécanique généreuse n’était plus tenable. En 2006, l’addition s’est élevée à plus de 102 milliards de F CFA, soit 10 % des dépenses publiques. L’État a préféré mobiliser ses capacités pour pérenniser la hausse du salaire minimum décidée, en septembre 2006, par le président Omar Bongo Ondimba. Le Smig (salaire minimum interprofessionnel garanti), bloqué depuis 1985, est ainsi passé de 44 000 F CFA à 80 000 F CFA. Si cette augmentation est le fruit de longues tractations avec les syndicats, elle repose aussi sur une stratégie de la demande qui doit, à terme, relancer la consommation et l’activité.
« Pour la première fois depuis plus de quinze ans, le taux de croissance hors pétrole a atteint 4 % pendant trois années consécutives, et nous attendons 5 % en 2007 et en 2008 », a récemment déclaré le ministre délégué en charge de la Planification et de la Programmation du développement, Célestin Bayogha. Avant d’ajouter : « ces résultats s’expliquent par la promotion des investissements publics et privés à hauteur de 20 % du produit intérieur brut ». À ce jour, le secteur des hydrocarbures représente près de la moitié du PIB, les mines et la forêt ne contribuent à l’économie du pays que pour environ 4 %, et l’agriculture s’approche péniblement des 5 %. Quant au tissu industriel, il reste embryonnaire (9 % du PIB). Le chiffre intègre la transformation du bois, la fabrication de la bière, le raffinage du sucre et la production de cigarettes. Le tourisme tarde aussi à décoller, en dépit de potentialités importantes. Le pays dispose d’un réseau de treize Parcs nationaux d’une biodiversité exceptionnelle mais qui restent très difficiles d’accès. Quant au développement de l’activité forestière, il s’appuie sur la levée du monopole de l’État sur la commercialisation des grumes d’okoumé. Cette essence, dont les qualités s’avèrent idéales pour l’industrie du déroulage (contreplaqué), représente plus des deux tiers de la production annuelle qui oscille autour des 3 millions de m3. L’enjeu est de taille. Bien que la contribution du bois au PIB reste faible, ce secteur est le deuxième employeur du pays après la fonction publique. Il fournit 12 % des revenus d’exportation et offre une véritable possibilité de diversification. La forêt, encore peu exploitée, couvre plus de 20 millions d’hectares, soit près de 80 % du territoire, et abrite une soixantaine d’essences commercialisables. Le potentiel forestier est estimé à 400 millions de m3. Afin de préserver et de valoriser ce patrimoine, les autorités ont travaillé dans deux directions : la gestion durable et la transformation. Pour cela, un nouveau code forestier, adopté en 2001, est entré en application en 2005. Après des années de coupes intensives, les forestiers sont dans l’obligation de présenter à l’administration un plan d’aménagement, un plan de rotation des coupes et une prévision de reboisement. Concernant la transformation, moins de 20 % des grumes sont déroulées, sciées ou tranchées sur place. Les professionnels sont donc incités à investir.
« Le Gabon a accompli des progrès ces dernières années », déclarait, en janvier, le directeur général du FMI, Rodrigo de Rato, lors de sa visite à Libreville. Avant d’ajouter : « Nous avons bien avancé, et je suis convaincu que ces discussions peuvent être prochainement menées à bon terme. » Il aura fallu attendre seulement quatre mois pour que ces négociations aboutissent à la signature d’un accord triennal. Les priorités sont les mêmes : assainissement des finances publiques et promotion du secteur privé. Mais à présent, cette politique sera appuyée par des financements extérieurs. Le FMI demandait, pour cela, des garanties sur la bonne gouvernance et une poursuite des efforts sur la réduction du train de vie de l’État. Le jeu en valait la chandelle.

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