Pour ou contre les « films de festival » ?

Comment, à force de pressions, de manipulations, mais aussi par l’autocensure, le quatrième pouvoir voit sa mission dévoyée.

Publié le 15 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

Le festival Vues d’Afrique de Montréal, qui poursuit depuis vingt-trois ans son travail de promotion des cinématographies du continent et de ses diasporas, s’est terminé le 29 avril après avoir projeté une centaine de films originaires d’une trentaine de pays. Il a couronné notamment le très original long-métrage à la Tati du Marocain Faouzi Bensaïdi What a Wonderful World et consacré une sympathique rétrospective à l’uvre ?du regretté cinéaste ivoiro-guinéen Henri Duparc, auteur ?de tant de remarquables comédies sur des sujets ?« de société » comme Bal poussière, Rue princesse ou ?Une couleur café.
Les festivals consacrés de par le monde au cinéma africain, même s’ils n’ont évidemment pas tous l’envergure de la manifestation canadienne, sont fort nombreux. À tel point que les principaux cinéastes du continent passent une bonne partie de leur temps à courir d’un festival à un autre pour montrer leurs films et qu’on les accuse régulièrement de ne réaliser ceux-ci que pour les publics restreints de ces lieux peu ouverts – malgré des exceptions – au grand public.
Ce reproche prend d’autant plus de consistance que les difficultés de production et de distribution des films en Afrique condamnent de fait ces réalisateurs à compter avant tout sur les festivals pour faire connaître leurs uvres et espérer les diffuser plus largement. À tel point que cet impératif influence fréquemment à rebours leur façon de filmer et les sujets qu’ils privilégient. On a pu effectivement dans tel ou tel cas se le demander, notamment quand on a vu se répandre certaines « modes », comme ce qu’on a appelé les films-calebasses, ces uvres qui s’interrogeaient inlassablement sur le conflit tradition-modernité dans les campagnes africaines et semblaient tant plaire aux organisateurs de festivals occidentaux.
Mais s’agit-il vraiment d’un procès légitime ? Cette polémique concerne en fin de compte les cinémas de tous les continents. Ainsi vient-on de voir ces derniers mois les deux plus importantes revues françaises consacrées au septième art, Les Cahiers du cinéma et Positif, se chamailler à coup d’éditoriaux assassins pour savoir s’il était absolument scandaleux ou non que le refus d’une commission officielle de subventionner l’exploitation d’un film portugais en France ait provoqué un report – peut-être définitif – de sa sortie en salle. Ce film présenté l’an dernier à Cannes, En avant, jeunesse ! de Pedro Costa, aussi beau esthétiquement que fort austère, se prêtait, il est vrai, à lancer un débat sur le « film de festival ». Pour simplifier à outrance, on a vu s’opposer ceux qui feraient plutôt confiance au marché pour trier la production qui mérite d’être vue par tous et ceux qui s’inquiètent du risque de faire disparaître une bonne partie du cinéma « art et essai » si l’on se plie à cette « stratégie » plus économique qu’artistique.
Le simple bon sens suffit probablement à dépasser cette opposition stérile. Il est évident que, fût-ce grâce à des aides toujours discutables, ce qu’on appelle péjorativement le « film de festival » ne doit pas disparaître au bénéfice des uvres sans grand contenu artistique ou culturel qui visent le grand public. Et non moins évident qu’il faut se méfier des effets pervers de la promotion excessive d’un cinéma trop exclusivement destiné aux seuls critiques et cinéphiles « pointus ». Là où la situation se complique, c’est quand une cinématographie n’arrive guère à exister ni dans les salles ni dans les plus grands festivals. À cet égard, le plus inquiétant, pour le cinéma africain, ce n’est sans doute pas qu’il soit trop souvent montré dans des festivals. C’est qu’il soit presque totalement absent des écrans aujourd’hui à Cannes, à Berlin et, dans une moindre mesure, à Venise, soit dans les principales manifestations mondiales consacrées au cinéma d’auteur.

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