« 4 milliards de dollars pour les PME africaines », et après ?
Le tout premier sommet réunissant les 450 banques publiques de développement de la planète a fait un geste modeste face aux « milliers de milliards » de besoins en Afrique. Il pose cependant les jalons d’une démarche collective nouvelle et prometteuse pour le continent. Explications.
Dix mille participants, 200 panélistes et vingt-cinq discussions en ligne : le Sommet « Finance en commun » organisé à Paris le 12 novembre a réuni en téléconférence le gratin politique, économique et financier de la planète – dont le président chinois Xi Jinping, le Français Emmanuel Macron ou encore le Sénégalais Macky Sall, autour des 453 banques publiques de développement réunies pour la première fois de leur histoire.
Organisé à l’initiative de l’International Development Finance Club (IDFC) que préside Rémy Rioux, le directeur général de l’Agence française de développement, et par la World Federation of Development Finance Institutions (WFDFI), il avait pour but de mobiliser le monde de la finance publique.
Premier enjeu, selon Audrey Rojkoff, secrétaire générale du Sommet : savoir « qui nous sommes et qu’est-ce qui nous unit ». Ces institutions ont de nombreux points communs : elles jouissent d’une autonomie juridique et financière ; elles sont contrôlées par des pouvoirs publics – multinationaux, nationaux, régionaux ou locaux – et ont pour vocation de corriger les déséquilibres conjoncturels ou structurels qui pénalisent un territoire et ses populations ; elles ne font pas de prêts à la consommation et ne gèrent pas de comptes de particuliers.
Des acteurs très différents
Leurs domaines d’intervention sont très divers : par ordre décroissant, économie générale, PME, exportations, agriculture, logement, économie locale… Les unes interviennent au niveau mondial, les autres se cantonnent au plan local.
Ce qui explique leurs grandes différences de taille : le capital de la Caisse des dépôts et consignations ivoirienne est ainsi 23 000 fois plus petit que celui de la Banque de développement de la Chine, la plus importante du monde. La plus vieille banque publique de développement est la Caisse des dépôts et consignations française, créée en 1816. La plus connue est la Banque mondiale (1944) et la plus récente, la Scottish National Development Bank, a vu le jour en 2020.
Pour y voir plus clair dans ce foisonnement, the Institute of New Structural Economics de l’Université de Pékin et l’Agence française de développement ont posé les bases d’une banque de données qui collecte les caractéristiques de ces établissements en termes de capital, de domaines d’intervention et d’investissements.
En Afrique, des « milliers de milliards de dollars » nécessaires, selon Akinwumi Adesina
Le deuxième but du Sommet – et le plus important, selon Audrey Rojkoff – était la réussite des Objectifs de développement durable en 2030 de l’ONU et le respect des Accords de Paris sur le climat de 2015. La copieuse Déclaration commune publiée à la fin des travaux en porte la marque.
« Cette déclaration a été signée par toutes les banques. Son texte en a donc été difficile à négocier car il a fallu trouver le juste milieu entre ambition et raison », commente la secrétaire générale du sommet, qui précise qu’il ne s’agit « pas d’annonces financières, mais d’annonces sur des méthodes et des objectifs ».
Il s’agira à court terme de financer la reprise post-pandémie, mais il faudra surtout que les banques publiques unissent leurs efforts pour financer des programmes favorisant les énergies renouvelables, la préservation de la biodiversité et des océans, les droits de l’homme en général et des populations autochtones en particulier, l’amélioration de la santé et de l’accès à l’eau, l’égalité des sexes, la digitalisation des activités, etc. « afin de ne laisser personne derrière » et commencer à réduire les inégalités.
Au cours du Sommet, on a évidemment beaucoup parlé de l’urgence africaine. Akinwumi Adesina, le président de la BAD, a ainsi rappelé les « milliers de milliards de dollars » dont le continent a besoin pour vaincre la pauvreté et les « 60 % de PME africaines qui ont des problèmes d’accès aux financements ».
Macky Sall a de son côté rappelé aux banques de développement qu’elles « devaient améliorer leurs mécanismes d’intervention par la simplification de leurs procédures et formalités avec une évaluation plus juste de la perception du risque d’investissement en Afrique, pour réduire les primes d’assurance indûment élevées, assurer une meilleure coordination de leurs interventions de façon à faciliter l’allocation optimum des fonds et augmenter les financements concessionnels en faveur des États et des PME-PMI qui constituent les acteurs-clés de l’économie des pays en développement ».
4 milliards de dollars pour les PME africaines
Ces travaux se se sont concrétisés par la promesse de 4 milliards de dollars d’ici fin 2021 faite aux PME africaines par quinze banques de développement européennes en collaboration avec Findev Canada, l’américaine DFC (Development Finance Corporation), la Banque africaine de développement (BAD), l’ICD (Islamic Corporation for the Development of the Private Sector) et la Banque ouest-africaine de développement (BOAD).
Ce n’est pas rien, mais pas vraiment à l’échelle des besoins post-Covid-19, ajoutés à ceux identifiés de longue date en matière d’énergie, d’emplois, de santé, d’infrastructures. Une goutte d’eau en comparaison des 2 300 milliards de dollars que ces 453 institutions investissent chaque année.
Mais les banques publiques ne représentent que 10 % des investissements annuels mondiaux. Les 90 % restants sont assurés par le secteur privé, banques, private equities, fonds de pension, ONG, organismes philanthropiques…
L’idée qui sous-tend la démarche du Sommet « Finance en commun » – et qui sera poursuivie l’an prochain lors de sa deuxième édition – est que les banques publiques de développement « servent collectivement de levier » pour rendre ces autres acteurs plus sensibles au climat et au développement durable et pour les persuader de travailler dans ces directions avec les investisseurs publics. Une œuvre de longue haleine qui devrait in fine profiter à l’Afrique.
Les graphiques qui illustrent ce texte sont tirés du dernier numéro consacré aux banques publiques de développement de la revue trimestrielle Secteur privé & développement éditée par Proparco, filiale de l’Agence française de développement. Ils sont repris ici avec l’autorisation expresse de SP&D.
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