Fin de partie pour Tony Blair

Publié le 15 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

Tony Blair l’a dit, sur le ton de la plaisanterie, en ouvrant le Conseil des ministres : le jeudi 10 mai ne serait pas une « journée normale ». C’est en effet la date que le Premier ministre a choisie pour annoncer son départ prochain du gouvernement, qu’il dirige depuis bientôt dix ans. Prenant la parole un peu plus tard dans sa circonscription de Sedgefield, devant un parterre composé de journalistes et d’habitants du lieu, il a déclaré officiellement qu’il quittera Downing Street le 27 juin. La voix tremblante d’émotion, il a rappelé que c’est de Sedgefield qu’il avait lancé en 1994 sa campagne pour prendre la tête du Labour Party. « Je suis revenu là où mon parcours politique a commencé et où il se terminera », a-t-il expliqué.
Les travaillistes ont un peu plus d’un mois pour élire leur nouveau leader, qui deviendra automatiquement le nouveau chef de l’exécutif. Selon toute vraisemblance, c’est l’actuel chancelier de l’Échiquier Gordon Brown, ami et rival de longue date de Blair, qui sera choisi pour le remplacer.
La décision était attendue. Il était devenu évident depuis les élections législatives de l’année dernière, remportées pour la troisième fois consécutive par le Parti travailliste, que le Premier ministre ne souhaitait pas aller jusqu’au bout de son mandat. Mais, pour attendu que soit ce retrait, il n’en est pas moins historique. Tout d’abord, à cause de la longévité de l’administration Blair, dont il y a peu d’exemples dans l’histoire contemporaine britannique. Seule la conservatrice Margaret Thatcher était restée au pouvoir aussi longtemps au cours du siècle écoulé.
Plus important, comme Thatcher à laquelle il a été souvent comparé, Blair a profondément marqué la société britannique. Il a modernisé la gauche et a réconcilié les Anglais avec l’économie de marché dans laquelle Thatcher les avait conduits à leur corps défendant. Last but not least, il a ramené la paix en Irlande du Nord, déchirée par des violences fratricides.
Les historiens interrogés le 10 mai par le quotidien The Guardian sont d’ailleurs tombés d’accord pour reconnaître que la politique pragmatique de Blair a réussi à donner un nouvel élan au Royaume-Uni et a facilité son entrée dans l’économie mondialisée. Ils sont cependant aussi nombreux à penser que cet élan a été brisé dans les dernières années de son règne par ses prises de position controversées concernant la guerre en Irak. Dans son discours de Sedgefield, Blair a lui-même reconnu que son bilan largement positif a été gâché par l’évolution de la guerre. Et d’ajouter : « La main sur le cur, je peux affirmer que je n’ai fait que ce que j’estimais être juste et [] bon pour mon pays. »
La presse outre-Manche ne se contente pas de faire le bilan des années Blair. Elle s’inquiète également de la suite de la carrière du futur ex-Premier ministre. À 54 ans, Blair sera l’un des plus jeunes leaders politiques à la retraite. Il semble frustré, rapporte le Financial Times, de devoir quitter la scène européenne à un moment où un consensus semble émerger parmi les grands pays sur l’avenir de l’UE.
Selon le Daily Telegraph, compte tenu de son intérêt pour les questions de développement dans le monde, le Premier ministre pourrait s’engager dans des actions caritatives en Afrique et au Proche-Orient. Le très sérieux The Economist estime, pour sa part, que Blair pourrait se laisser tenter par le circuit international des discours et conférences – grassement payés – dans lequel l’ex-président américain Bill Clinton s’est lancé, ramassant quelque 40 millions de dollars en l’espace de six ans. Les Blair ont encore un prêt à rembourser pour l’achat de leur vaste maison dans l’ouest huppé de Londres, rappelle avec malice l’hebdomadaire londonien.

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