Coup de force à Anjouan

Les violences qui secouent l’île la plus peuplée de l’archipel vont-elles compromettre la tenue de l’élection des exécutifs insulaires ?

Publié le 15 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

Le feu couvait sous la braise. Ouverte en juillet 1997, avec la tentative de sécession de la deuxième île la plus peuplée de l’archipel des Comores, et jamais véritablement réglée depuis, la crise anjouanaise a connu un nouveau rebondissement le 2 mai, lorsque des gendarmes fidèles à Mohamed Bacar, le président de l’exécutif insulaire, se sont emparés des principaux bâtiments officiels de Mutsamudu. Ce coup de force a fait deux victimes, deux soldats de l’armée comorienne, qui appartenaient à un détachement d’une quarantaine d’hommes stationnés sur l’île autonome. Il intervient à quelques semaines de l’élection des exécutifs insulaires, prévue les 10 et 24 juin, et risque de compromettre la tenue du scrutin à Anjouan. C’était précisément pour garantir la sincérité et la régularité du vote et soustraire les 250 000 habitants de l’île aux pressions et aux intimidations de ses hommes que le tribunal constitutionnel de l’Union avait décidé, fin avril, de destituer Mohamed Bacar et de le remplacer par un président intérimaire, au motif que son mandat avait expiré. Bacar, un ancien colonel de la gendarmerie, avait évincé le lieutenant-colonel Abeid en 2001, le précédent maître de l’île, et s’était fait élire à la présidence de l’exécutif insulaire en mars 2002. Aujourd’hui, il se présente à nouveau, mais ses chances paraissent minces face, notamment, au notable Mohamed Djaffar, soutenu par une large coalition de partis.
Lourdement armés, entre autres de mortiers, les gendarmes anjouanais fidèles à Bacar, dont les effectifs sont estimés à 800 hommes environ, n’ont pas eu de difficultés à investir les principaux sites stratégiques de l’île et à en déloger les soldats de l’Union. Ils se seraient livrés à des exactions, en vandalisant la maison du président de l’Union, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, originaire lui aussi d’Anjouan. Bacar, qui a longuement rencontré l’envoyé spécial de l’Union africaine (UA), Francisco Madeira, le 6 et 8 mai, a assuré qu’il « respectait et respecterait toujours les institutions légales ». Pourtant, depuis l’élection du président Sambi, en avril 2006, les accrocs se sont multipliés entre les autorités de Moroni et celles de Mutsamudu. Principale pierre d’achoppement : la question du désarmement de la garde personnelle de Bacar, assimilée à une milice par le pouvoir central. « C’est un champion du double langage, prévient Idi Nadhoim, le vice-président de l’Union. Il a pris son île en otage. Il n’a absolument rien construit, rien réalisé en cinq ans, et sait que le pouvoir lui échappera si les urnes parlent librement. Nous sommes prêts à transiger sur beaucoup de points, si cela peut aider à un compromis, mais nous ne ferons aucune concession sur le désarmement. »
L’hypothèse d’une intervention de l’armée comorienne, qui rappellerait le fâcheux précédent de juillet 1997 – une tentative de débarquement, totalement improvisée par le président Taki, avait alors viré au fiasco -, est catégoriquement écartée. L’idée est à la fois politiquement inopportune et techniquement irréalisable, car le rapport de forces, sur le terrain, plaide largement en faveur des gendarmes anjouanais. « La solution ne peut venir que de la communauté internationale, qui a unanimement condamné le coup de force, poursuit Idi Nadhoim. Elle a réaffirmé son attachement au respect du calendrier électoral. En 2006, l’Afrique du Sud avait déployé 1 600 militaires et dépensé 20 millions de dollars pour nous aider à organiser la présidentielle dans de bonnes conditions. »
La balle est maintenant dans le camp du Conseil paix et sécurité de l’UA, qui a été saisi de la question et devrait se prononcer d’ici à quelques jours. Mais le temps presse. Les événements d’Anjouan ont provoqué des remous au sein de l’institution militaire. Une mutinerie a éclaté le 3 mai, au sein du camp de Canari, près de Moroni. « Les militaires ne voulaient plus de leur chef d’état-major, le colonel Saïd Hamza, qu’ils estimaient de mèche avec Bacar et qu’ils accusaient de ne pas avoir pris toutes les dispositions pour protéger les soldats envoyés à Anjouan, explique Abdallah Houmadi, le ministre de la Défense par intérim. Le président Sambi l’a limogé préventivement, pour calmer les esprits. Hamza a fait un malaise et est hospitalisé à l’infirmerie de la gendarmerie avec interdiction de quitter le territoire, avant l’ouverture éventuelle d’une enquête pour éclaircir les choses. »

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