Chiluba à l’heure des comptes

Poursuivi par son pays et jugé coupable de détournements et de blanchiment par la Haute Cour de Londres, l’ancien président fera-t-il appel ?

Publié le 15 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

L’histoire est celle d’un ancien chef d’État rattrapé par son passé grâce aux efforts acharnés de celui qu’il croyait être son protecteur. Le 4 mai, Frederick Chiluba, président zambien de 1991 à 2001, ainsi que quatre de ses compatriotes ont été jugés coupables par la Haute Cour de Londres d’avoir détourné 46 millions de dollars de fonds publics. Une somme qu’ils devront rembourser. La justice britannique, saisie par le parquet zambien parce qu’une partie de l’argent a été blanchie ou placée sur des comptes bancaires du royaume, conforte la croisade anticorruption lancée tambour battant par le président Levy Mwanawasa dès le début de son premier mandat. En 2001, ce dernier succède à Frederick Chiluba qui, faute d’avoir pu modifier la Constitution en vue de briguer un troisième mandat, en fait le candidat de son parti à la présidentielle avec l’espoir de continuer à tirer les ficelles. Mais la marionnette se révèle moins docile que prévu et cherche à faire payer l’ancien chef de l’État kleptocrate.
Dès juillet 2002, six mois après son arrivée au pouvoir, le nouveau président entreprend une vaste opération « mains propres ». Objectif : punir tous ceux qui, de près ou de loin, petits ou grands, se sont servis dans les caisses publiques et ont ainsi contribué à l’appauvrissement de la Zambie, aujourd’hui parmi les plus pauvres du continent et, en 1964, à l’indépendance, l’un des plus prospères, grâce au cuivre dont elle est alors le troisième producteur mondial. En ligne de mire de Mwanawasa, Frederick Chiluba, ancien syndicaliste de la « Copper Belt » – la ceinture de cuivre – devenu chef de l’État après avoir fait campagne pour l’intégrité morale. Mais qui, une fois dans le fauteuil présidentiel, s’est empressé d’imiter ceux qu’il fustigeait. L’ancien homme fort de Lusaka, qui n’a officiellement gagné que 105 000 dollars en dix ans de présidence, en a dépensé 1,2 million en habits de luxe dans un magasin suisse, selon Peter Smith, le président de la Haute Cour de Londres. Au bleu de travail qu’il a longtemps porté, l’ancien ouvrier a rapidement préféré les costumes et les chemises des faiseurs les plus onéreux. Il les aimait brodés de ses initiales, FJT. Quant à ses chaussures, elles étaient faites sur mesure
Ce n’est que la face émergée de l’iceberg. Dans un discours au Parlement, en juillet 2002, Levy Mwanawasa annonce que son prédécesseur n’échappera pas à la traque et qu’il aura à répondre de trois chefs d’accusation : le détournement de 47 millions de dollars dans la privatisation de la compagnie minière Ramcoz, le vol de 20,5 millions débloqués pour l’achat d’armes qui n’ont jamais été livrées, le virement sur un compte spécial de la présidence de plusieurs autres millions destinés à la famille et aux proches. Quelques jours après sa fameuse allocution, Levy Mwanawasa fait voter par le Parlement la levée de l’immunité présidentielle. En février 2003, Chiluba est arrêté puis mis en liberté provisoire moyennant le versement d’une caution et la confiscation de son passeport. Il fait l’objet de 59 chefs d’inculpation.
Le procès commence en décembre de la même année. Aux côtés de Chiluba comparaissent quatre anciens hauts fonctionnaires, également condamnés à Londres le 4 mai dernier, dont l’ex-chef du service des renseignements et l’ancien secrétaire permanent du ministère des Finances. La somme totale des détournements imputés à Chiluba et ses comparses dépasse les 40 millions de dollars. La population attend le procès avec impatience et curiosité.
Mais à mesure qu’il avance, le procès s’enlise dans des imbroglios judiciaires qui sont le reflet des divisions de la classe politique sur l’entreprise de Mwanawasa. Des proches de Chiluba qui occupent une place dans le nouveau régime craignent pour eux. Après de multiples ajournements, des fuites de coaccusés hors du ?pays, il est finalement décidé que l’accusé principal ne peut comparaître en raison de son état de santé. Le procureur général porte alors l’affaire devant la Haute Cour de Londres. Et, le 4 mai, le verdict tombe
Dans la foulée, Chiluba, qui vit toujours dans son pays, a fait dire par son porte-parole, Emmanuel Mwamba, qu’il ne reconnaissait pas l’autorité de la juridiction britannique. Fera-?t-il appel ? La Haute Cour de Londres lui a donné jusqu’au 18 mai pour le faire.

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