Assistance différée

Les bailleurs ont suspendu leur aide en attendant que la lumière soit faite sur des éventuels détournements de fonds. Mais le temps presse.

Publié le 15 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

Constitué en février dernier, après de très longues tractations, le gouvernement d’Antoine Gizenga a bien du mal à se mettre en marche. Exemple parmi tant d’autres, la loi de finances 2007 n’a toujours pas été votée. Le pays ne fonctionne que sur des crédits provisoires, sur de maigres rentrées fiscales ainsi que sur les reliquats de programmes déjà lancés par différents partenaires au développement. Les projets financés par la communauté internationale, en cours d’exécution, sont estimés à 700 millions de dollars. On est bien loin du budget 2006 de l’État qui atteignait 2 milliards de dollars et qui était financé à hauteur de 57 % par des apports extérieurs. Malgré les engagements des uns et les promesses des autres, la reconstruction du pays prend du retard et l’aide se fait attendre.
« Il n’y aura pas de miracles. Cette année, nous n’aurons pas d’appuis budgétaires », déplore un responsable congolais qui espère toutefois que son pays pourra renouer avec le Fonds monétaire international (FMI) d’ici à la fin 2007. À la clé, un programme sur trois ans pour accompagner la relance de l’économie et la lutte contre la pauvreté ainsi que l’accès au point d’achèvement de l’Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE). Après avoir dénoncé de graves dérapages budgétaires, le FMI a décidé de couper les vivres au pays, en mai 2006. Afin de relancer son partenariat, l’institution réclame des mesures urgentes de « cadrage ». Selon nos informations, il demande également un audit sur les fonds préalablement versés, une évaluation de la masse salariale dans la fonction publique, un état des lieux du compte de la Banque centrale et des éclaircissements sur l’important déficit enregistré entre décembre 2006 et février 2007 et qui atteindrait, selon un proche du dossier, la somme de 50 millions de dollars. Durant cette période, le gouvernement de transition laissait alors la place à la nouvelle équipe Gizenga. Certains ministres sortants semblent s’être accordés quelques largesses
« Nous savions que la situation allait être difficile, mais si la population congolaise ne perçoit pas rapidement les dividendes de la paix, la tension dans le pays risque de s’accentuer. Il faut donc que les bailleurs et le gouvernement puissent se mettre au travail, le plus vite possible », prévient un fonctionnaire européen. « Tout le monde est prêt à aider la RDC, mais nous demandons des signes de bonne gouvernance », renchérit un autre observateur étranger. En toile de fond, la lutte contre la corruption et un rapport de la Banque mondiale dont tout le monde parle, mais que personne n’a vu ! En mars 2006, le département « intégrité » de l’institution a ouvert une enquête sur des détournements de l’aide. Les chiffres les plus fous circulent, mais, à ce jour, les conclusions n’ont toujours pas été communiquées aux autorités de Kinshasa. « La mise en place du gouvernement Gizenga a retardé la procédure. Il nous faut aussi mettre en uvre les mesures correctives afin d’éviter de tels dysfonctionnements à l’avenir. L’argent ne sera plus décaissé de la même manière », explique Herbert Boh, le responsable de la communication de la Banque mondiale pour l’Afrique centrale.
Parmi les mesures figure la création d’une nouvelle agence chargée de superviser les programmes de la Banque en RD Congo. La précédente structure rattachée au ministère de l’Économie est directement mise en cause. « Nous avons aussi enquêté sur nos employés », ajoute Boh, qui refuse de préciser si certains d’entre eux font l’objet de soupçons. Tout au plus reconnaît-il que des prestataires de services devraient être exclus des prochains appels d’offres de la Banque. « Des noms seront transmis à Kinshasa, avec éventuellement des poursuites judiciaires », assure-t-il. « Il y a eu beaucoup de légèreté et de laxisme dans cette affaire. Les bailleurs doivent aussi balayer devant leur porte », avance un proche du dossier qui cite, notamment, « l’évaporation » d’une partie de l’aide accordée pour le financement d’un fonds retraite.
Lors de sa visite dans la capitale congolaise, le 9 mars dernier, le président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, avait annoncé un don immédiat de 180 millions de dollars affecté à l’éducation, la santé et la réhabilitation urbaine. À ce jour, pas un sou n’est arrivé à Kinshasa. Entre-temps, l’ancien secrétaire d’État adjoint américain, accusé de népotisme et pressé de démissionner, n’a cessé de donner des gages à ses détracteurs, qui lui reprochent notamment de mener une lutte anticorruption à géométrie variable.

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