Vraie jacquerie et pseudo-élections

À la veille d’un scrutin municipal aux allures de mascarade, des « émeutes de la faim » secouent le nord du pays. Et menacent de s’étendre.

Publié le 14 avril 2008 Lecture : 1 minute.

Secouée depuis quelques jours par des manifestations contre la dégradation du pouvoir d’achat, Mahalla al-Koubra, une cité ouvrière située à 110 kilomètres au nord du Caire, a occulté les élections municipales du 8 avril. Boycotté par les Frères musulmans, principale composante de l’opposition, le scrutin est couru d’avance. Les 52 600 postes à pourvoir (pour 4 500 municipalités réparties en 26 provinces) sont promis au Parti national démocratique (PND, du président Hosni Moubarak). Les partis d’opposition – le Wafd, le Tagamou (Rassemblement), le Gil (Génération) et le Parti nassérien – n’ont pu présenter, à eux quatre, qu’un millier de candidats, contre plus de 52 000 pour le PND. Le comble de la mascarade a été atteint à Mahalla al-Koubra. Le scrutin n’ayant pas pu s’y tenir, pouvoir et opposition se sont entendus pour une répartition des sièges de conseillers municipaux. Résultat des tractations : 15 « élus » pour l’opposition et 56 pour le PND. Un deal qui n’atténue en rien le deuil des habitants de Mahalla al-Koubra, qui déplorent le décès de deux manifestants, dont un collégien de 15 ans, tué de trois balles dans la tête, tirées par des membres d’une unité de police antiémeute.
L’agitation qui s’est emparée de Mahalla inquiète le président Moubarak, qui y a dépêché, la veille du scrutin, son Premier ministre, Ahmed Nazif. Pôle de l’industrie textile égyptienne, aujourd’hui en crise, la cité ouvrière est réputée être à l’avant-garde des grands mouvements de protestation sociale en Égypte. Les risques d’une contagion, aggravés par l’envolée des cours mondiaux des produits alimentaires, ont contraint le gouvernement à réagir très vite. Nazif a dû sortir son chéquier à Mahalla. Les 24 000 ouvriers de l’entreprise étatique de textile ont reçu une prime spéciale représentant l’équivalent d’un mois de salaire. Ce qui n’a pas pour autant apaisé les esprits. La population de Mahalla se mobilise aujourd’hui pour l’indemnisation des familles des victimes de la répression et pour la libération des 330 personnes arrêtées au cours des manifestations.

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