Sénégal : comment Macky Sall a mis l’opposition échec et mat

Alors qu’il fêtera bientôt le neuvième anniversaire de son accession au pouvoir, Macky Sall a fait « transhumer », les unes derrière les autres, les principales figures de l’opposition. Mais pourrait-il être menacé demain par son propre camp ?

Le président sénégalais Macky Sall, en février 2020, lors de l’inauguration d’un parc éolien à Thiès. © Alaattin Dogru / Anadolu Agency/AFP

Le président sénégalais Macky Sall, en février 2020, lors de l’inauguration d’un parc éolien à Thiès. © Alaattin Dogru / Anadolu Agency/AFP

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Publié le 17 novembre 2020 Lecture : 10 minutes.

« On peut toujours cannibaliser les responsables de l’opposition, mais l’on ne saurait cannibaliser l’opinion. Dans un pays où 70 % de la population a moins de 35 ans, la stratégie de Macky Sall est illusoire car d’autres leaders politiques émergeront face à lui. » Cette analyse cinglante du récent remaniement n’émane pas d’un des rares rescapés d’une opposition sénégalaise aujourd’hui réduite comme peau de chagrin. Son auteur fait partie des compagnons de route qui ont rejoint Macky Sall à l’époque où l’ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade s’est lancé à la conquête du pouvoir, en fondant l’Alliance pour la République (APR). Et notre source, amère, de poursuivre : « Dans une démocratie saine, il y a une majorité et une opposition. Veut-on en revenir à l’époque du parti unique ? »

Dans les rangs « apéristes », même si on ne l’exprime qu’à mots couverts, la surprise le dispute à l’incompréhension. Le 28 octobre, Macky Sall a mis fin par décret aux fonctions des membres de son gouvernement et de la présidente du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Quatre jours de spéculations plus tard, il abattait ses cartes : tandis que plusieurs (ex-)opposants se taillent la part du lion dans le nouveau dispositif, la garde rapprochée du chef de l’État est quant à elle priée de faire ses valises.

Exit les fidèles de la première heure que sont Mahammed Boun Abdallah Dionne (secrétaire général de la présidence et ancien Premier ministre), Amadou Ba (Affaires étrangères), Aly Ngouille Ndiaye (Intérieur), Mouhamadou Makhtar Cissé (Pétrole et Énergie), Oumar Youm (Infrastructures, Transports terrestres et Désenclavement) ou Aminata Touré (CESE).

En sens inverse, trois poids lourds de l’opposition font leur entrée dans la mouvance présidentielle. Longtemps considérée comme une dissidente au sein du Parti socialiste (PS), car hostile à l’allégeance de sa formation – qui finira par l’exclure en décembre 2017 – à la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY), l’avocate Aïssata Tall Sall avait certes rejoint le camp au pouvoir à la veille de la dernière présidentielle. Mais elle hérite aujourd’hui du prestigieux ministère des Affaires étrangères, ce qui est vu par certains comme une prime de ralliement cher payée. Oumar Sarr, qui fut pendant sept ans le numéro deux du Parti démocratique sénégalais (PDS), toujours dirigé par Abdoulaye Wade, n’avait pas ménagé ses critiques contre le régime. En rupture de ban avec son ancien parti, il siégera désormais à la table du conseil des ministres en tant que ministre des Mines et de la Géologie.

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