[Chronique] Nécrologies publiées par mégarde : les avantages d’un bug mortifère
L’erreur technique, qui a conduit Radio France Internationale à publier par erreur une centaine de nécrologies, révèle au grand public une pratique journalistique bien rodée.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 17 novembre 2020 Lecture : 2 minutes.
Ce lundi 16 novembre, le site internet de Radio France internationale (RFI) annonçait, biographies à l’appui, le décès de plusieurs dizaines de personnalités pourtant bien vivantes, dont quelques chefs d’État africains en exercice ou en retraite. Très écoutée sur le continent, RFI a rapidement présenté ses plus plates excuses, tentant de retirer les breaking news indésirables des multiples sites partenaires de la station.
Quelques détails permettaient à un lecteur avisé de la presse de deviner le bug : les annonces comportaient des parties à compléter comme « il est mort ce xxx à l’âge de xxx » ; et, dans certains cas, comme celui de la reine d’Angleterre ou du président de l’Autorité palestinienne, plusieurs options des circonstances fatales étaient même formulées « au cas où », notamment en lien avec le coronavirus…
Pas une première
La pratique est connue : pour le bien d’une précision journalistique qui fait mauvais ménage avec l’effet de surprise d’un décès souvent inopiné, les journalistes des organes de presse les mieux organisés rédigent à l’avance les nécrologies des personnalités, textes qu’ils actualisent évidemment avant de les dégainer. Ce n’est pas la première fois qu’un trépas est annoncé par erreur. Le couturier Yves Saint-Laurent en avait fait les frais quelques semaines avant sa mort. Ce n’est pas non plus la première fois que la nécrologie d’une personnalité est publiée à la place d’une autre. Il en va ainsi des loupés de ce que les médias appellent le « frigo » éditorial.
Le quotidien français Le Monde, en octobre 2019 à la suite d’une défaillance technique, puis la chaîne sportive L’Équipe, en août dernier, avaient ainsi annoncé à tort le décès de l’ancien patron de l’Olympique de Marseille, Bernard Tapie… Ce raté somme toute banal – mais massif, cette fois – a certainement provoqué un encombrement des lignes téléphoniques des personnes annoncées éteintes.
Philosophe
Mais il est permis d’être philosophe et de dénicher le bon côté de ce cafouillage temporaire. Primo, il est dit, dans une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest, qu’un décès annoncé par erreur est la garantie d’une longue vie pour la personne concernée.
Secundo, c’est un rêve, pour nombre de personnalités publiques, de savoir de leur vivant ce que l’on retiendra de leur œuvre (à défaut de savoir ce qu’on l’on pense d’eux, les hommages étant traditionnellement elliptiques quant aux griefs)… Et puis, après tout, une nécrologie est relative, si l’on en croit les plus complotistes, qui continuent de démentir les décès pourtant très officiels de Michael Jackson ou d’Elvis Presley.
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