Morgan Tsvangirai

Opposant zimbabwéen, leader du MDC, vainqueur des dernières législatives

Publié le 14 avril 2008 Lecture : 4 minutes.

Certains le comparent au Polonais Lech Walesa, engagé dès le début des années 1980 dans la lutte contre le communisme et devenu président de son pays en 1995. L’opposant zimbabwéen Morgan Tsvangirai, chef du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), qui a remporté les élections législatives du 29 mars, ne partage pas seulement avec l’ouvrier électricien des chantiers navals de Gdansk la même détermination à défier le régime autoritaire de son pays. Comme lui, il suscite aussi une sorte d’empathie au sein de la classe ouvrière, fait montre d’une réelle fibre syndicale, affiche une capacité hors pair à mobiliser les foules. Comme Walesa en Pologne, en 1995, Tsvangirai finira-t-il, à 56 ans, par accéder à la magistrature suprême ?

Le président Robert Mugabe ne s’y résigne pas encore (voir pp. 32-37). Il n’entend pas voir sa longue épopée s’achever banalement au fond des urnes, arrêtée net par cet éternel adversaire qu’il aime à traiter de « valet des Blancs » et d’« ignorant ». Sans doute à tort, même si le champion du MDC ne parle pas l’anglais châtié du « camarade Bob ». Tsvangirai n’a pas terminé sa scolarité. Il n’a pas non plus – handicap majeur aux yeux de Mugabe et de sa vieille garde – participé à la guerre d’indépendance. C’est un homme politique atypique, un bon vivant à l’humeur joviale, issu d’un milieu modeste.
Aîné d’une fratrie de neuf enfants, ce natif de Gutu (Centre) en pays shona est contraint de tirer un trait sur ses études pour aller travailler dans une usine de textile, puis dans une mine de nickel du Mashonaland, la province natale de Mugabe. Il n’a que 16 ans, déjà une pleine conscience de ses responsabilités et beaucoup d’ambition. Il gravira tous les échelons du syndicat national des mineurs, dont il prendra la tête, avant de se faire élire, en 1988, secrétaire général du Congrès des syndicats du Zimbabwe, qu’il parvient à soustraire à l’influence du pouvoir. Même si, depuis l’indépendance, les syndicats sont alliés à la Zanu-PF, le parti au pouvoir. En septembre 1999, il lance le MDC et remporte, dès l’année suivante, une victoire historique en obtenant le rejet par référendum d’une révision de la Constitution.
Mugabe essuie sa première défaite électorale. Avant le camouflet des législatives de juin 2000. Malgré une campagne d’intimidation et de violences, le MDC remporte près de la moitié des sièges au Parlement. L’essai est transformé à l’élection présidentielle de 2002, dont Tsvangirai fut, pour beaucoup d’observateurs, le réel vainqueur. C’est une brèche ouverte dans l’omnipotence de la Zanu-PF qui dure depuis vingt ans. Le régime se durcit, lance la réforme agraire et contre-attaque en organisant la chasse aux fermiers blancs soupçonnés d’avoir financé le MDC et en accusant son leader d’être une « marionnette » entre les mains de l’ancien colonisateur britannique.
Tsvangirai devient le dénominateur commun des chômeurs, d’une partie des travailleurs, de la petite bourgeoisie et des riches fermiers blancs, ainsi que de nombre de Ndebeles, qui gardent un souvenir vivace de la sanglante répression dont ils furent victimes de la part du pouvoir au début des années 1980. Désormais, il incarne l’opposition à Mugabe plus que son rival Arthur Mutambara, qui a quitté le mouvement en 2005 pour voler de ses propres ailes, non sans l’avoir dépeint sous les traits d’un autocrate prompt à lâcher ses séides contre toute voix discordante. Une consécration que ce père d’une famille de six enfants a payée cher.
Plusieurs fois emprisonné, « Deux Joues », comme l’appellent affectueusement beaucoup de Zimbabwéens à cause de son large visage, a réchappé de trois tentatives d’assassinat. Notamment en 1997, quand des inconnus, en réalité des gros bras du régime, entreprennent de le défenestrer de son bureau, situé au sixième étage d’un immeuble d’Harare. Il ne doit la vie qu’à son physique de boxeur, qui lui a permis de résister à ses assaillants, le temps que ses gardes du corps viennent à son secours.
Dix ans plus tard, après quelques jours de détention, dont il garde une méchante cicatrice sur le front, des photos de son visage tuméfié font le tour du monde et assoient sa crédibilité, plus que n’importe lequel de ses meilleurs discours. Juste à la veille de la présidentielle de 2002 circule une vidéo le montrant en train d’échafauder un projet d’assassinat du président Mugabe avec un lobbyiste israélien. Montage grossier, procès et acquittement. Deuxième inculpation pour trahison en 2003. Motif : Morgan Tsvangirai a appelé la population à « bouter dehors » Mugabe, le père du « Zimbabwe moderne ». Il est acquitté de nouveau.

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Le fils de maçon, symbole d’une lutte de dix ans, est aujourd’hui au pied du mur. Et se veut pragmatique. Passé l’euphorie d’une victoire qu’il a crue acquise pendant quelques jours, il s’est montré responsable, s’est gardé de pousser son avantage devant la réaction – froide et rigide – de Mugabe en assurant à ce dernier qu’aucune poursuite ne serait engagée contre lui au Zimbabwe, ni contre son proche entourage, qu’aucun de ses « grognards » de l’armée et de ses « vétérans » ne verrait ses biens confisqués.
La vengeance et les règlements de comptes doivent faire place à la difficile tâche de reconstruction nationale, laisse comprendre Tsvangirai. Sera-t-il entendu par le « camarade Bob » pour éviter au Zimbabwe la sanglante épreuve de force postélectorale que vient de vivre le Kenya ? Et s’il arrivait à s’asseoir dans le fauteuil présidentiel, parviendra-t-il à faire mieux que Frederick Chiluba, un autre syndicaliste, dont le passage à la tête de la Zambie voisine n’a pas laissé que de bons souvenirs ?

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