Le réveil des écoles d’ingénieurs
Quels établissements présentent la meilleure adéquation entre offre de formation et exigences professionnelles ?
L’Afrique manque d’ingénieurs et c’est un frein constant à la croissance. Mais le développement d’écoles publiques et privées de haut niveau change la donne. La difficulté pour les entreprises et les futurs étudiants est d’identifier celles qui garantissent une juste adéquation entre l’offre de formation et les exigences professionnelles. Cette première évaluation des écoles d’ingénieurs réalisée par Jeune Afrique est divisée en trois catégories, en fonction de l’orientation principale des cursus : les écoles généralistes, dites polytechniques, les formations orientées vers les télécoms, l’informatique et les statistiques, et celles destinées prioritairement aux BTP, à l’industrie ainsi qu’aux secteurs minier et énergétique. La méthode utilisée pour l’établir est identique à celle qui a servi pour les business schools, à la différence que la liste de base que nous avons pu établir comporte encore un nombre limité d’établissements. Mais ce sont les « meilleures », aux dires des professionnels que nous avons interrogés. Aux autres de faire valoir leur évolution pour figurer dans une prochaine édition.
Les écoles polytechniques
Fondée en 1994, l’École polytechnique de Tunisie (EPT, www.ept.rnu.tn) est un établissement public d’excellence. Accessible sur concours après deux années de classe préparatoire, elle séduit les meilleurs élèves du pays. L’EPT propose, outre un partenariat avec l’École des mines de Paris, un double diplôme avec l’École des mines d’Alès (France). Les étudiants bénéficient de conditions matérielles remarquables. On se doit également de saluer la place accordée à la maîtrise de l’anglais et aux stages en entreprise pendant le cursus.
Au Maroc, la référence est l’École Mohammadia d’ingénieurs (EMI, www.emi.ac.ma) de Rabat. Sur le plan académique, l’institution, créée en 1959, offre des partenariats avec Supélec, l’Ensica et l’École des mines de Paris, toutes classées parmi les dix meilleures formations françaises. L’EMI a notamment développé des partenariats de recherche avec le CNRS (Centre national de la recherche scientifique français).
Doyenne des écoles d’ingénieurs tunisiennes, l’École nationale d’ingénieurs de Tunis (Enit, www.enit.rnu.tn) est également une valeur sûre au Maghreb. Elle propose plusieurs possibilités de double diplôme avec des écoles françaises : l’École d’ingénierie et d’innovation textile de Roubaix (Ensait), Télécom Bretagne et l’École des mines de Paris. L’établissement est reconnu comme pôle régional d’excellence par l’Unesco et accueille, à ce titre, une chaire de mathématiques.
En Afrique subsaharienne, l’École supérieure polytechnique du Sénégal (ESP, www.esp.sn) est une institution reconnue, même si elle pâtit d’un manque de moyens. Ses cursus ont bénéficié, entre autres, d’un partenariat pédagogique et scientifique avec l’Institut national des sciences appliquées (Insa) de Rennes (France), mais l’absence de visibilité de nouveaux échanges académiques est inquiétante.
En Côte d’Ivoire, l’Institut national polytechnique Houphouët-Boigny (INPHB, site Internet défaillant) de Yamoussoukro connaît le même type de difficultés. Après les ravages de la crise, il doit redynamiser ses partenariats et moderniser ses équipements pour retrouver un fonctionnement plus conforme à sa réputation passée. Il faut toutefois souligner la bonne réussite de ses étudiants au concours d’accès aux grandes écoles de commerce françaises, HEC, ESCP-EAP et EM Lyon.
Informatique, télécoms, statistiques
Installée depuis 1998 dans la banlieue de Tunis, Sup’Com (www.supcom.mincom.tn) jouit d’une réputation internationale. Elle offre à ses élèves, admis sur concours, un double diplôme avec Télécom ParisTech, classée parmi les dix meilleures écoles françaises. L’excellent niveau de ses enseignants a été mis en évidence par la remise du prix Gallieno-Denardo 2008 à Mourad Zgha pour ses travaux sur les fibres optiques.
Voisine de Sup’Com, l’école Esprit (www.esprit.ens.tn) illustre le potentiel de l’enseignement privé en Afrique. Son cursus de cinq ans permet, sous conditions, d’obtenir un double diplôme avec Télécom Lille I ou l’École internationale des sciences du traitement de l’information (Eisti) de Cergy (France). Le lien avec le monde de l’entreprise est une préoccupation permanente, illustrée par la présence de professionnels reconnus au sein du conseil d’administration. Les étudiants suivent des cours de management, et l’obtention du diplôme est conditionnée à la validation d’un test d’anglais. L’école accueille également le MBA international Paris.
Au Maroc, l’Institut national des postes et télécommunications (INPT, www.inpt.ac.ma) est aussi une référence régionale. Fondé en 1961, il a su opérer les évolutions indispensables pour s’adapter aux besoins du secteur privé. Outre les stages obligatoires, l’institut a intégré des cours de management dans ses cursus. Il propose également des masters délivrés par les écoles françaises Télécom SudParis (ex-INT Évry) et Télécom Bretagne, et des conventions signées avec de nombreuses entreprises du secteur favorisent l’insertion professionnelle des élèves, dont plus de 90 % trouvent un emploi dans les deux mois suivant leur sortie de l’école.
Autre grande école marocaine spécialisée dans les TIC, l’École nationale supérieure d’informatique et d’analyse des systèmes (Ensias, www.ensias.ma) a conclu plusieurs accords de coopération avec des formations françaises d’ingénieurs et de management : Ensimag (Grenoble), ENSEEIHT (Toulouse), Gem (Grenoble). Elle permet également à ses étudiants de passer les certifications Cisco (installation et maintenance de réseaux informatiques).
En Afrique subsaharienne, l’École supérieure multinationale des télécommunications (ESMT, www.esmt.sn) de Dakar est la formation la plus cotée dans le secteur. Une réputation qu’attestent ses partenariats avec Sup’Com en Tunisie, l’INPT au Maroc, mais aussi Télécom ParisTech et Télécom Bretagne. Une convention signée avec l’Esigelec, une bonne école française d’ingénieurs généralistes, permet aux étudiants de poursuivre leurs études à Rouen.
En Côte d’Ivoire, l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE, www.ensea-ci.org), qui forme des statisticiens en trois ans, a entamé un travail de fond qui semble porter ses fruits. Ses étudiants se sont notamment fait remarquer par leurs bons résultats au concours des grandes écoles de commerce françaises, HEC et ESCP-EAP, gérées par la Chambre de commerce de Paris.
Génie civil et industriel, environnement, hydrocarbures
Au Maroc, l’École Hassania des travaux publics (EHTP, www.ehtp.ac.ma) de Casablanca est, depuis sa création en 1971, la référence pour le secteur des BTP au Maghreb. Elle bénéficie de nombreux partenariats académiques dont un avec l’École des mines de Paris. Depuis 1994, l’institution est également liée à l’École spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie (ESTP, France) et offre à ses élèves la possibilité d’y réaliser leur troisième année.
Le rapprochement avec le monde professionnel est devenu une véritable obsession à l’Institut 2iE (Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement, www.2ie-edu.org) de Ouagadougou, au Burkina. Des représentants du secteur privé ont ainsi intégré le conseil d’administration de l’établissement. En quelques années, l’institut a totalement dépoussiéré son fonctionnement : réforme LMD, enseignement bilingue, convention avec les entreprises (Vinci, Areva). Deux mois après leur sortie, près de 90 % des diplômés 2007 avaient trouvé un emploi.
Très spécialisé, l’Institut algérien du pétrole (IAP, www.iap.dz), situé à une cinquantaine de kilomètres d’Alger, est incontournable. Son master destiné aux ingénieurs diplômés offre plusieurs spécialités : exploration, commercialisation, transport, sécurité. L’école annonce un taux d’insertion professionnelle de 100 % pour ses diplômés. Bon nombre d’entre eux sont embauchés par le groupe pétrolier national, la Sonatrach, principal partenaire de l’IAP.
Pour clore ce palmarès, saluons la percée de l’Institut supérieur de technologie (IST http://ist.groupe-icam.fr) de Douala, au Cameroun. Filiale du groupe français Icam (Institut catholique d’arts et métiers), bien classé dans les formations post-bac, il fait partie de l’Ucac (Université catholique d’Afrique centrale). Sa formation en maintenance industrielle semble répondre à l’important besoin en ingénieurs qualifiés dans cette zone. Six mois après le diplôme, tous les lauréats 2007 avaient trouvé un emploi.
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