L’encombrant Mohamed Bacar

Moroni le réclame. Paris promet de l’extrader. Le président déchu d’Anjouan, actuellement réfugié à la Réunion, n’en finit pas de semer la zizanie entre les deux pays.

Publié le 14 avril 2008 Lecture : 2 minutes.

Mohamed Bacar répondra-t-il un jour de ses actes devant la justice comorienne, qui réclame son extradition, ou coulera-t-il des jours tranquilles d’exilé dans un pays qui voudra bien l’accueillir ? Chassé militairement du pouvoir le 25 mars par l’Union africaine et l’armée comorienne, cet ancien soldat de l’école navale de Brest a fui dans des circonstances obscures vers l’île française de Mayotte, où il a accosté le lendemain, avec une vingtaine de ses gardes du corps armés. Récupéré par les gendarmes français non loin de Nzavia, où il a manqué de se faire lyncher par la population, placé en rétention, puis transféré dès le 28 mars sur l’île de la Réunion, pour apaiser les esprits – sa présence à Mayotte avait provoqué des troubles -, l’ancien dictateur attend en prison que la justice française se prononce sur son sort. Il a déposé une demande d’asile politique.
Bacar n’était pas le bienvenu en France. Entré illégalement, il est sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet de la Réunion. Mais la menace est purement théorique, car tant que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) n’aura pas statué sur sa requête, il n’est pas expulsable. Reste que sa présence sur le sol français place maintenant Paris dans une situation délicate. La France a en effet appuyé politiquement le débarquement et prêté un appui logistique aux troupes africaines. Aujourd’hui, on l’accuse d’avoir joué double jeu. Et on souligne à l’envi, côté comorien, que le séparatisme n’aurait jamais pu prendre à Anjouan sans le soutien financier et matériel des réseaux franco-mahorais.
« Nous n’avons participé en rien à son ascension ou à son maintien au pouvoir », s’est défendu Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères, lors d’une conférence de presse le 8 avril. « Notre souci – je ne sais pas comment nous y parviendrons en termes juridiques – est de remettre le colonel Bacar aux autorités comoriennes. » De quoi calmer les esprits à Moroni. À l’instar du président Ahmed Abdallah Sambi, la grande majorité des Comoriens est en effet persuadée que Paris a organisé « l’exfiltration » de Bacar. L’annonce de sa fuite a d’ailleurs provoqué de violentes échauffourées dans la capitale, et l’ambassade de France, redoutant des dérapages, s’est vue contrainte de donner des consignes de prudence à ses ressortissants.
Élu en 2006, le président Sambi est nettement moins francophile que son prédécesseur, Azali Assoumani. Intraitable sur Mayotte, il exige le retour de la quatrième île de l’archipel dans le giron comorien. Pauvres, endettées, à la limite de la banqueroute, et vivant sous perfusion internationale, les Comores ne peuvent se permettre de rompre avec Paris. Mais elles disposent cependant d’un redoutable moyen de pression : le flux migratoire. Car moins d’une centaine de kilomètres séparent les côtes d’Anjouan de celles de Mayotte, où les clandestins originaires de l’archipel représentent déjà près du tiers de la population

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