La Constitution au cur des débats

La révision de la Loi fondamentale est sur toutes les lèvres. Doit-elle pour autant se limiter à la seule question du nombre de mandats présidentiels ?

Publié le 14 avril 2008 Lecture : 4 minutes.

Le Front de libération nationale (FLN), première force politique du pays, en a fait son leitmotiv : il faut réviser la Constitution de 1996. Pourquoi ? Contrairement aux précédents textes fondamentaux, son article 74 indique que le président de la République n’est rééligible qu’une seule fois. Cette disposition empêcherait Abdelaziz Bouteflika, élu en 1999 et réélu en 2004, de briguer un troisième mandat lors de la prochaine élection, prévue au mois d’avril 2009. Plusieurs organisations de la société civile ont relayé le FLN dans sa démarche, imitées par des personnalités politiques et historiques du mouvement nationaliste, parmi lesquelles l’ancien président de la République, Ahmed Ben Bella. Mais l’enjeu de la révision constitutionnelle se limite-t-il au seul nombre de mandats présidentiels ? Non, si l’on considère la genèse des Constitutions successives qui ont régi l’Algérie.
Depuis le 5 juillet 1962, date de la proclamation de l’indépendance, le pays a connu quatre Constitutions (1963, 1976, 1989 et 1996), révisées à deux reprises (en 1988, avec l’introduction du multipartisme et, en 2002, avec la reconnaissance du tamazight comme langue nationale). La première Constitution est promulguée par Ahmed Ben Bella le 10 septembre 1963. Elle consacre l’option révolutionnaire socialiste et le régime du parti unique, confiant « la gestion harmonieuse des institutions » au seul FLN. Vingt et un mois plus tard, le 19 juin 1965, Ben Bella est renversé par l’armée. Le colonel Houari Boumedienne, ministre de la Défense, prend le pouvoir, dissout le Parlement, gèle la Constitution. Un Conseil de la révolution est institué, qui devient l’organe suprême de l’État. Le FLN conserve son statut de parti unique, vitrine politique du pouvoir des militaires, qui confirment l’option socialiste avec, pour piliers, une révolution agraire, une industrie « industrialisante » et la planification de l’économie. Cette transition durera plus de dix ans.
En 1976, un débat national est ouvert avec pour finalité l’élaboration d’une Charte nationale et d’une Constitution. Deux textes sont soumis au référendum, et la campagne électorale est confiée à un FLN qui reprend des couleurs grâce à la création d’un Parlement monocaméral : l’Assemblée populaire nationale (APN) est instituée, mais ses députés appartiennent tous au même mouvement. Mohamed Cherif Messadia, alors responsable de l’information au sein du parti unique, propose que le FLN investisse le colonel Houari Boumedienne pour la présidentielle organisée dans la foulée. Candidat unique, Boumedienne est élu. Deux ans plus tard, en décembre 1978, il succombe à la maladie. Son successeur, le colonel Chadli Bendjedid, est désigné par un congrès du FLN, toujours sous le contrôle de l’armée.
Au mois d’octobre 1988, la rue s’embrase, réclamant plus de libertés. Un mois plus tard, une nouvelle Constitution est adoptée. Elle consacre le multipartisme, avec un exécutif bicéphale : un président de la République et un Premier ministre, chef du gouvernement. Ce dernier est responsable devant l’APN, désormais ouverte à l’ensemble des partis agréés. Mais le processus démocratique est interrompu le 11 janvier 1992 par l’armée. Celle-ci annule le second tour des législatives, sur le point de tourner à l’avantage du Front islamique du salut (FIS), et démet Chadli Bendjedid. Face au vide institutionnel, un Haut Comité d’État (HCE, direction collégiale de cinq membres) est installé pour achever le mandat du président démis, qui court jusqu’en novembre 1995. Les militaires proposent à Abdelaziz Bouteflika de se présenter, mais celui-ci décline l’offre. Ils font appel au colonel Liamine Zéroual, alors ministre de la Défense. Ce dernier est élu et ses services concoctent une nouvelle Constitution, qui sera adoptée en 1996, dans un climat de guerre civile. Parmi les innovations du nouveau texte : l’introduction de la limitation des mandats présidentiels. Le fameux article 74.
Dès son élection au mois de mai 1999, Abdelaziz Bouteflika marque son hostilité à la Constitution de 1996. Élaborée dans des conditions particulières, elle est jugée anachronique par le nouveau chef de l’État. Celui-ci ne pense pas spécialement à l’article 74, le problème du nombre de ses mandats ne se posant pas encore. En fait, il lui reproche son ambiguïté quant à la responsabilité et aux prérogatives de l’exécutif. « Le peuple souverain élit un président de la République sur la base de son programme politique et économique, relève-t-il. Pourquoi, alors, son Premier ministre serait-il responsable devant le Parlement et non devant le chef de l’État ? » Bouteflika déplore le flou qui entoure la nature même du régime : à mi-chemin entre régime présidentiel et régime parlementaire. Une question, déterminante, occultée par « l’affaire » du troisième mandat.

Référendum et transparence
Faut-il réviser la Constitution juste pour permettre à Abdelaziz Bouteflika de se représenter ? Si tel est le cas, nul besoin de mobilisation populaire ni de campagne grandiloquente. Un simple amendement par voie parlementaire suffirait. L’Alliance présidentielle, composée des trois plus grandes formations politiques du pays (FLN, Rassemblement national démocratique, et les islamistes du Mouvement de la société pour la paix), dispose, avec près de 250 députés sur 380, de la majorité des deux tiers nécessaire pour imposer un tel amendement. D’autant que l’opposition parlementaire, à commencer par le Parti des travailleurs (PT, 20 députés) n’est pas opposée à l’idée que Bouteflika puisse se représenter en 2009, « pour peu que le scrutin soit honnête et transparent », affirme la présidente du PT, Louisa Hanoune. Cependant, si l’idée de révision constitutionnelle procède d’une volonté de revoir la nature du régime, une concertation nationale – comme ce fut le cas en 1976 -, est nécessaire Voire indispensable. L’Algérie de 2008, bien qu’elle soit occupée à rattraper ses retards en matière de développement, ne peut faire l’économie d’un tel débat.

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