La cavale du djihadiste

Publié le 14 avril 2008 Lecture : 3 minutes.

Depuis son évasion rocambolesque, le 2 avril, Sidi Ould Sidina (20 ans), inculpé pour l’assassinat, le 24 décembre, de quatre touristes français à Aleg, dans le sud-est de Nouakchott, est l’ennemi public numéro un. La bête noire des autorités mauritaniennes, qui ne lui pardonnent pas d’avoir révélé au grand jour les graves carences des forces de sécurité. À l’heure où nous mettions sous presse, cet ancien militaire passé par les camps salafistes du Sahara malien était toujours en cavale, tandis que la capitale était méthodiquement ratissée par la Garde nationale et la police. En revanche, ses deux acolytes sont entre les mains des autorités. Maarouf Ould Haiba est détenu à la direction générale de la Sûreté nationale depuis son arrestation surprise, le 10 avril, dans un déguisement de femme. Et Mohamed Ould Chabarnou est derrière les barreaux.
Par trois fois, Ould Sidina a échappé à ses anges gardiens. La première, c’était le 2 avril. Ce jour-là, comme le permet la procédure, le juge d’instruction le fait extraire de la prison de Dar Naïm, à une dizaine de kilomètres du centre de la capitale, pour une audience au palais de justice. Pendant près de trois heures, Ould Sidina répond posément aux questions du magistrat. Vers 14 h 30, il est remis à l’un des deux policiers qui l’ont amené au palais, afin d’être reconduit à la prison. Dans le couloir, il prétexte une envie pressante. Le fonctionnaire l’accompagne jusqu’aux toilettes, où un employé du tribunal fait ses ablutions. Sans explication, le policier lui confie le détenu, lui assure qu’il va revenir et disparaît. C’est un autre policier qui, exhibant sa carte professionnelle, vient chercher Ould Sidina et repart avec lui. Il serait en réalité le frère du prévenu. Avec un parfait naturel, les deux hommes gagnent la sortie. Dehors, la circulation est paralysée par un embouteillage : on attend l’arrivée de l’émir du Qatar Les fugitifs profitent de la confusion pour monter dans une voiture et se fondre dans la nature.
La nouvelle de l’évasion est connue le jour même. La traque commence. Une récompense de 13 000 euros est offerte pour tout renseignement de nature à permettre la capture du fuyard. Dès le 3 avril, les forces de sécurité le localisent au Ksar, un quartier populaire de Nouakchott. Des tirs sont échangés et un suspect appartenant à la mouvance salafiste arrêté. Mais Ould Sidina reste introuvable.
L’épisode suivant sera plus sanglant. Le 7 avril, vers 18 h 15, alors que le vent se lève sur la capitale, des détonations retentissent pendant une trentaine de minutes. On croit à un feu d’artifice, mais c’est bel et bien d’une fusillade qu’il s’agit. Les forces de sécurité auraient été averties de la présence d’islamistes – on apprendra par la suite qu’ils étaient probablement au nombre de cinq – dans une grande maison bordée d’un terrain vague, dans le quartier huppé de Tevragh Zeina. Aussitôt, une patrouille est dépêchée sur les lieux en reconnaissance. Un policier s’approche de la porte de la villa et essuie des coups de feu. Ses camarades et lui ripostent, mais leurs armes ne font pas le poids face à celles dont disposent les assiégés. Le feu est nourri, les sirènes des ambulances trouent le silence de la nuit. Bilan : 8 blessés graves (1 djihadiste et 7 policiers) et 2 morts (1 djihadiste et le commandant de la 1re compagnie). Au crépuscule, la Garde nationale arrive en renfort. Vers 21 h 30, elle est rejointe par le bataillon de la Sécurité présidentielle.
Tandis que l’hôpital de Nouakchott prend des allures de hall de gare, à Tevragh Zeina, les forces de sécurité croient enfin tenir Ould Sidina. La villa est totalement encerclée et l’électricité coupée. À une cinquantaine de mètres de là, des badauds se sont attroupés. Comme dans un théâtre d’ombres, on aperçoit de temps à autre des silhouettes en uniforme traversant le terrain vague. Les tirs ont cessé, mais les forces de sécurité attendent le petit matin pour donner l’assaut.
Quand elles pénètrent enfin dans la villa, la déception est totale : les assiégés se sont volatilisés. Seuls traînent une imprimante, quelques ouvrages sur le djihad et des ingrédients sans doute destinés à la fabrication d’explosifs. Les islamistes se sont manifestement fait la malle avant l’arrivée des renforts. Ould Sidina était-il vraiment parmi eux ?

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