Son dernier article

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

C’est le dernier article de Michael Kelly. Le journaliste américain est mort dans la soirée du 3 avril, près de l’aéroport de Bagdad. Le chauffeur de sa voiture a essayé d’éviter des tirs irakiens et est tombé dans un canal. Kelly est le premier des six cents journalistes « incorporés » aux forces de la coalition à perdre la vie. Il s’était fait connaître lors de la guerre du Golfe en 1991 et donnait régulièrement sa column au Washington Post. Son dernier article, dont nous vous proposons des extraits ci-dessous, a été reproduit par le Wall Street Journal, qui écrit : « Kelly était d’une totale indépendance d’esprit. Il savait ce qu’il pensait et pourquoi, et il s’en expliquait dans ses articles avec vigueur et talent. » René Guyonnet

A 2 heures du matin, dans la nuit du 2 au 3 avril, le lieutenant-colonel Ernest « Rock » Marcone, qui commande la Task Force 3-69, donna l’ordre à ses troupes de faire mouvement. Il avait deux objectifs. Le premier était de s’emparer du couloir de Kerbala, un morceau de terrain plat entre l’Euphrate et un lac, qui donnait un accès direct au pont sur le fleuve. Le second objectif était le pont lui-même, qui permettrait à la IIIe division d’infanterie de franchir le dernier obstacle naturel sur la route de Bagdad. À 7 heures du matin, les chars, l’infanterie et l’artillerie, appuyés par les bombardiers de l’Air Force et les hélicoptères Apache de la division, s’étaient emparés du couloir de Kerbala. À 16 h 20, ils avaient pris le pont. « Cela n’a pas été une grande bataille, déclara Marcone, parce que la grande bataille, c’est celle qui a pour but la destruction totale de la Garde républicaine et du régime de Saddam Hussein. Mais nous tenons maintenant le passage qui permettra au reste de la division de s’engouffrer pour aller détruire la Garde républicaine. » La veille de l’assaut, le lieutenant-colonel Marcone avait indiqué qu’il ne s’attendait pas à trouver une forte résistance dans le couloir de Kerbala. Il ne se heurta, en effet, qu’à un petit groupe de soldats qui semblaient appartenir à l’armée régulière, peut-être à la police des frontières. Ils ne firent aucun usage de la seule arme qui aurait pu être redoutable, une batterie de mortiers de 60 mm. Certains essayèrent de se battre, mais c’était comme s’ils tiraient à blanc. Au premier coup de feu, ils lâchaient leur arme et tentaient de s’enfuir. La Task Force fit vingt-deux prisonniers, mais aucune victime. Elle ne subit aucune perte et fonça aussitôt vers le pont. Là, elle se heurta à la première opposition militaire organisée et sérieuse qu’elle eût rencontrée depuis le début de la guerre : selon l’estimation de Marcone, l’équivalent de deux bataillons d’infanterie, dont l’un pouvait appartenir à la Garde – « très bien armé, bien entraîné ». Les troupes avaient miné le pont et préparé d’excellentes lignes de défense du côté est, sur plusieurs kilomètres. Cela ne changea rien à l’issue du combat, ni même ne ralentit la progression. « Nous avons d’abord détruit les positions les plus avancées, expliqua le lieutenant-colonel. Puis, avec l’artillerie et l’aviation, nous les avons pilonnées en profondeur. Nous avons traversé le fleuve à bord de six bateaux, avec des spécialistes du déminage. Enfin, nous avons donné l’assaut avec trois compagnies, deux de blindés et une d’infanterie. » Selon Marcone, le combat ne dura que quelques heures, mais il fut violent. « Nous n’avons fait aucun prisonnier, dit-il. Ils se sont battus jusqu’à la mort. » Il n’y eut aucune perte du côté américain.
Michael Kelly

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