Saddam sur les pas d’Adolf Hitler ?

Retranché dans son bunker, encerclé par les Soviétiques, trahi de toutes parts, le Führer, préféra se donner la mort plutôt que capituler.

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 5 minutes.

Donald Rumsfeld a réagi à la chute de Bagdad en estimant que Saddam Hussein « prenait toute sa place aux côtés de Hitler, Staline, Lénine et Ceaucescu au panthéon des dictateurs brutaux ratés ». On aimerait savoir ce qu’il entend par un dictateur raté. Y aurait-il des dictateurs réussis ? Et que vient faire Lénine dans cette galère ? Le rapprochement entre Saddam et Staline n’est pas non plus très heureux : le « Petit Père des peuples » est mort dans son lit, victorieux et au faîte de sa gloire. Le parallèle avec Ceaucescu, balayé quant à lui par une révolution populaire, n’est guère plus convaincant. Reste Hitler.
Au hit-parade de l’horreur et de la mégalomanie, le raïs irakien n’arrive pas à la cheville du Führer, n’en déplaise à Rumsfeld. Mais, comme lui, il a entraîné son pays dans une aventureuse politique de conquêtes, s’est heurté à une coalition de puissances invincible et a fini par être défait militairement, sur son propre territoire. Personne ne sait, à l’heure où nous mettons sous presse, ce qu’il est advenu de Saddam. Est-il mort ? En fuite ? A-t-il décidé de se replier sur sa ville natale de Tikrit pour y livrer un ultime combat ? Hitler, lui, retranché dans son bunker au coeur d’une capitale en ruines, est resté maître de son destin. Et a choisi de s’y donner la mort, « préférable à une lâche résignation ou même à une capitulation ». Les lignes qui vont suivre retracent les derniers jours de la vie de cet homme(*) qui rêvait de bâtir un Reich millénaire, et qui n’a réussi qu’à ruiner son pays et l’Europe tout entière. Certaines similitudes avec les événements que nous vivons sont troublantes. Mais comparaison n’est pas raison…

Hitler, contre l’avis de ses généraux, avait décidé de se terrer dans le bunker de la chancellerie. Elle commença à être pilonnée par l’artillerie russe le 26 avril. La fin approchait. Hannah Reitsch, une aviatrice venue rejoindre Hitler dans son refuge, le supplia une dernière fois de quitter Berlin : « Le Führer doit vivre pour que l’Allemagne vive. Le peuple l’exige. » Hitler, d’abord incrédule, lui répondit doucement : « Si je meurs, c’est pour l’honneur de la patrie. En tant que soldat, je me dois d’obéir à mon ordre de défendre Berlin jusqu’au bout. Je croyais fermement que Berlin serait sauvé sur les rives de l’Oder. Nul n’a été plus stupéfait que moi par l’échec de nos efforts. Et quand l’encerclement de la ville a commencé, j’ai cru qu’en restant à mon poste je donnerais l’exemple à toutes les armées de terre et qu’elles viendraient au secours de la ville… » Aussi incroyable que cela puisse paraître, Hitler n’avait pas complètement perdu espoir : l’armée du général Wenck, dont on lui avait assuré qu’elle existait toujours et manoeuvrait au sud de la ville, pouvait encore réussir un coup d’éclat et renverser la situation. En fait, elle avait été liquidée depuis longtemps. Voilà des semaines que Hitler commandait une armée fantôme, et refusait d’entendre raison : la partie était finie… Mais, dans ses éclairs de lucidité, il confiait volontiers qu’avec sa maîtresse, Eva Braun, ils avaient déjà choisi leur mort : le moment venu, ils se tireraient une balle dans la tête et se feraient incinérer, afin que les Soviétiques ne retrouvent jamais leurs corps. Les jours passaient et apportaient leur lot de mauvaises nouvelles et de trahison. Le 28, les Russes étaient à quelques pâtés de maisons et convergeaient vers la Postdamerplatz voisine. L’attaque de la chancellerie était imminente. Le Führer prit la nouvelle avec détachement. Mais quand on lui apprit la défection de Heinrich Himmler, il entra dans une colère noire. Il n’avait jamais douté de la fidélité du chef de la SS, un nazi fanatique et dévoué, méticuleux organisateur de l’extermination des Juifs. Son visage, ravagé par les tics nerveux depuis l’attentat du 20 juillet 1944, auquel il avait miraculeusement échappé, s’empourpra, et devint méconnaissable. Puis il sombra dans l’abattement. Après Hermann Göring, le maréchal du Reich, le 23 avril, c’était donc au tour de Himmler de le trahir. Pour se venger, Hitler fit abattre, dans les jardins de la chancellerie, l’officier de liaison de Himmler au QG du Führer. Dans la nuit du 29 avril, Hitler, entouré de ses derniers fidèles, convola en justes noces avec Eva Braun. Il s’était toujours refusé à épouser sa maîtresse, une femme discrète et effacée, expliquant qu’un mariage l’empêcherait de se consacrer entièrement à la direction du parti et de l’Allemagne. Au soir de sa vie, Hitler, ému par la loyauté d’Eva, lui accorda cette ultime récompense. Un certain Walter Wagner, un conseiller municipal qui se battait dans le voisinage avec la Volkssturm (la milice), fut tout surpris de présider la cérémonie. Les deux époux jurèrent qu’ils étaient « de bons Aryens, exempts de maladies héréditaires susceptibles d’empêcher leur union ». Goebbels signa l’acte, en qualité de témoin, et un lunch macabre fut brièvement organisé. Puis le Führer se retira pour dicter à sa secrétaire son testament politique et ses dernières volontés. Il désigna son successeur, en la personne de l’amiral Doenitz, et pria Goebbels de l’assister dans la tâche de diriger le Reich en lambeaux. Goebbels acquiesça, mais il était résolu à accompagner son maître dans la mort. Une nouvelle, en provenance d’Italie celle-là, vint encore assombrir les dernières heures de Hitler, et sans doute le renforcer dans la détermination de se suicider. Benito Mussolini, le Duce de l’Italie fasciste, venait de trouver la mort. Il avait été capturé et exécuté, en compagnie de sa maîtresse, Clara Petacci, par des partisans, alors qu’il tentait de gagner la Suisse. Hitler fit euthanasier son chien-loup préféré, et commença à dire adieu à ses proches. Il fit préparer son dernier repas, qu’il avala aux alentours de 14 heures, le dimanche 30 avril. Les Russes étaient tout proches. Après une ultime conversation avec ses intimes, il prit congé, avec Eva Braun. Une seule détonation retentit. Goebbels et Martin Bormann attendirent en vain la seconde. Ils ouvrirent la porte, découvrirent le corps de Hitler. Il s’était tiré une balle dans la bouche. Eva reposait à ses côtés : elle avait préféré la capsule de poison. Les deux corps furent transportés dans le jardin, déposés dans un cratère d’obus, et arrosés d’essence. Leurs restes calcinés ne furent jamais retrouvés. Le feu continuel de l’artillerie russe, qui avait labouré le carré de terre, avait dispersé les ossements. Le lendemain, Goebbels fit empoisonner ses six enfants et, en compagnie de sa femme, se donna la mort à son tour. Le IIIe Reich avait vécu.

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* Ce récit est inspiré de l’excellent ouvrage de William L. Shirer, Le Troisième Reich, des origines à la chute, Stock, 1967 (réédition 1990), Paris.

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