Réconciliation en pointillés…

Après avoir participé au Conseil des ministres du 3 avril, les rebelles ont renoué avec la politique de la chaise vide.

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 4 minutes.

«Les Ivoiriens feraient une grave erreur de croire qu’on peut, du jour au lendemain, revenir à la situation ante. La paix est une question de temps. Elle requiert beaucoup de patience et de la bonne volonté. Elle doit se construire un peu plus chaque jour. Il ne faut donc pas croire que les rebelles désarmeront dans l’immédiat, ou même qu’ils restitueront, dans les prochains mois, toutes leurs armes. Il faut d’abord les rassurer, garantir leur sécurité, soigner les blessures et laisser le temps faire son oeuvre… »
L’homme qui s’exprime en ces termes est un ancien chef d’État qui, en d’autres temps, a dû faire face, dans son pays, à un mouvement irrédentiste. Il s’en est sorti, explique-t-il, en donnant, selon la formule consacrée, du « temps au temps », en intégrant progressivement les combattants dans l’armée régulière et dans l’administration. « En Côte d’Ivoire, les blessures sont encore fraîches. Il faut donc s’armer de patience ! » confirme, à Abidjan, un haut responsable militaire de la Mission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Dans ce pays, les semaines se suivent, mais ne se ressemblent pas. Le 3 avril, après plusieurs rendez-vous manqués, le gouvernement de réconciliation nationale se retrouvait, presque au grand complet, à Yamoussoukro, pour un Conseil des ministres plutôt décontracté suivi de la traditionnelle photo de famille. Une semaine plus tard, les neuf ministres issus des trois mouvements rebelles renouaient avec la politique de la chaise vide, notamment à cause du regain de tensions à l’Ouest, qui a contraint le président Laurent Gbagbo à renvoyer sine die le Conseil des ministres du 10 avril, prévu, cette fois-ci, à Abidjan.

Tensions dans l’Ouest
« Cela fait plusieurs jours que nos positions sont bombardées par des MI-24 du gouvernement, comme si cela annonçait une reprise des hostilités », a déclaré Guillaume Soro, pour expliquer ce nouveau lapin. Contacté au téléphone et par e-mail, le secrétaire général du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) n’a pas donné suite à une demande d’interview de Jeune Afrique/ l’intelligent. Tout comme Louis Dacoury-Tabley, le responsable des relations extérieures de son mouvement, qui nous a gentiment renvoyé à… Soro.
La rébellion accuse les autorités d’avoir, notamment, bombardé avec des hélicoptères leur bastion de Danané, située dans une région vallonnée, à l’Ouest, proche de la frontière avec le Liberia.

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En attendant l’ONU
L’un des chefs rebelles a même indiqué aux agences de presse que la préfecture ainsi que la grande mosquée de la ville ont été « sérieusement » touchées, des informations démenties par les autorités ivoiriennes. Devant la montée de la tension, le Comité de suivi des accords de paix de Marcoussis et d’Accra, présidé par le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, le Béninois Albert Tévoédjrè, et comprenant plusieurs diplomates africains et occidentaux, s’est rendu à Danané le 9 avril. Pour constater, assure un membre influent de la délégation, que lesdites préfecture et mosquée étaient intactes. « Les rebelles ont sans doute été surpris par notre décision de nous rendre immédiatement sur place. Et au lieu de la quarantaine de victimes civiles qu’ils nous avaient annoncées au téléphone, ils nous ont présenté un seul corps sans vie. Ce n’est pas très sérieux. Il y a, de part et d’autre, une volonté de manipuler… »
Il n’empêche ! Réelle, la dégradation du climat dans l’Ouest suscite des inquiétudes, même au-delà des frontières ivoiriennes. « La situation dans cette région demeure d’autant plus préoccupante que les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire aussi bien que les rebelles utilisent des Libériens dont l’attitude est complètement incontrôlée et incontrôlable », souligne le ministre français de la Défense Michèle Alliot-Marie, dont le pays entretient sur place une force d’interposition. « L’Ouest pose un grave problème, le terrain est difficile et personne ne semble le contrôler », confirme le général de division (sénégalais) Papa Khalilou Fall, commandant du dispositif militaire de la Cedeao en Côte d’Ivoire. Progressivement, ses hommes – ils sont pour l’instant mille deux cents – ont pris le relais des soldats français sur la ligne de front. « Tout cela s’est fait en parfaite intelligence, et la France continuera d’apporter aux soldats de la Cedeao un soutien tactique et logistique », explique au téléphone le lieutenant-colonel Philippe Perret, porte-parole du dispositif français.
En attendant que les rebelles retrouvent leurs fauteuils en Conseil des ministres – ce sera chose faite au cours de la seconde quinzaine d’avril, nous assure-t-on à Abidjan -, la Côte d’Ivoire devrait revenir au premier plan de l’actualité diplomatique internationale, le 15 avril. Ce jour-là, en effet, le Conseil de sécurité des Nations unies devrait, selon nos informations, examiner les progrès accomplis depuis le mois de janvier et ce qui reste à faire, à la lumière du rapport du représentant spécial, Albert Tévoédjrè. « J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour que le gouvernement de réconciliation nationale soit constitué. C’est, à mes yeux, le plus important. Il appartient maintenant aux Ivoiriens de prendre leur destin en main », nous a-t-il confié, juste avant de quitter Abidjan pour New York.

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