Massacres interethniques

Nouvelles tueries dans l’est du pays, la réconciliation nationale qui semblait enfin aboutir y résistera-t-elle ?

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Joseph Kabila a prêté serment le 7 avril sur la nouvelle Constitution. Promulgué le 4 avril à Kinshasa par le président de la République démocratique du Congo (RDC), ce Texte fondamental – même s’il n’est que transitoire – a été adopté par les participants au Dialogue intercongolais deux jours plus tôt à Sun-City, en Afrique du Sud. Ce processus, qui est censé ouvrir la voie à la pacification du pays, doit logiquement déboucher sur un partage du pouvoir. Des élections libres consacrant le retour à la normale doivent être organisées à l’issue des vingt-quatre mois de transition. Mais, pour l’heure, les salamalecs de Sun-City paraissent bien dérisoires au regard des nombreux civils tués le 3 avril lors d’affrontements interethniques dans la province de l’Ituri, au nord-est de la RDC. Selon l’ONU, le bilan s’établirait entre 150 et 300 morts. Mais au-delà de cette macabre comptabilité, ce nouveau massacre tombe très mal. Quelques heures seulement après être parvenus à trouver un terrain d’entente, les Congolais voient leur réconciliation une fois de plus compromise par de nouvelles tueries. Fâcheuse coïncidence…
L’attaque a été lancée par un groupe de personnes en uniforme et en civil contre une quinzaine de villages des environs de Drodro, localité située à 80 kilomètres de Bunia, le chef-lieu de l’Ituri. Selon les enquêteurs onusiens dépêchés sur place après les massacres, une vingtaine de fosses communes ont été découvertes. Ces exactions auraient été organisées par les milices lendues, qui bénéficient dans cette zone de l’appui de l’armée ougandaise. Les Lendus sont opposés à la communauté hema, ethnie soutenue par un groupe rebelle congolais (l’Union des patriotes congolais), lui-même parrainé par le Rwanda.
Dans ces régions fortement peuplées et dépourvues de toute administration classique, les seigneurs de guerre ont profité du conflit qui déchire le Congo démocratique depuis août 1998 pour se tailler des fiefs dont le sous-sol est réputé pour sa richesse en minerais précieux. Et y distribuent des armes aux différents groupes ethniques. Si bien que les affrontements, notamment entre Hemas et Lendus, y ont déjà fait quelque 50 000 morts et plus de 500 000 déplacés depuis 1999, estime Amnesty International, dans un rapport publié en mars dernier. L’organisation de défense des droits de l’homme y critiquait également le rôle joué dans cette véritable « poudrière ethnique » par l’Ouganda, dont l’armée aurait « grandement contribué au chaos et à la violence ». Entre 2 000 et 4 000 soldats ougandais sont déployés dans l’Ituri pour, théoriquement, sécuriser la région. Mais « plutôt que de sécurité, c’est d’exploitation des matières premières qu’il s’agit », explique un officiel congolais.
« Que faire pour que dans l’Ituri, Hemas et Lendus ne se prêtent plus au jeu de ceux qui rêvent d’aider les Congolais dans le dépècement de leur pays ? » s’interrogeait le 2 avril l’un des signataires de l’Acte final du Dialogue intercongolais. La question reste entière. Chacun sait, au Congo, que la Province orientale a déjà servi de champ de bataille entre les armées rwandaise et ougandaise. Après s’être directement affrontés à Kisangani, Kigali et Kampala, alliés d’hier devenus ennemis, continuent de s’y combattre par procuration. En effet, si l’armée rwandaise semble aujourd’hui soutenir, via l’UPC, la communauté hema, les forces ougandaises, elles, s’appuient sur les Lendus pour conforter leur présence dans la zone.
Instrumentalisés, les différents groupes ethniques de l’Ituri, tout comme ceux du Kivu, mènent aujourd’hui leur propre guerre dans la guerre. Condamnés par Washington, Paris et Bruxelles, les récents massacres ont été évoqués par le Conseil de sécurité de l’ONU, qui demande que les responsables soient traduits en justice. Bien sûr, le sujet a été abordé par les protagonistes de la crise congolaise réunis au Cap par Thabo Mbeki le 9 avril. Confronté à ses homologues rwandais et congolais, Paul Kagamé Joseph Kabila, le président ougandais, Yoweri Museveni, a de nouveau assuré que ses troupes quitteraient définitivement la RDC le 24 avril. En contrepartie de quoi le Rwanda promet de ne pas redéployer ses forces dans l’est de l’ex-Zaïre. Reste à dépasser le stade des promesses.

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