Éloge du libertinage

Comme à son habitude, l’écrivain togolais Sami Tchak fait dans le sulfureux. Pour le plaisir des uns, et au risque de gêner les autres.

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

Les premières pages de Hermina nous agacent parce qu’on croit tenir entre les mains un remake tropical de Lolita. Heureusement, cette impression se dissipe vite, et l’on découvre que Sami Tchak, qui signe ici son deuxième roman, a au moins deux spécificités. Primo, ce sociologue et écrivain d’origine togolaise semble avoir une prédilection pour les thèmes sulfureux. On lui doit en particulier un essai sur la sexualité féminine en Afrique et un autre sur la prostitution à Cuba. Secundo, il appartient à cette petite poignée d’auteurs nés en Afrique qui ne prennent pas ce continent comme matière première ou théâtre de leurs fictions.
Hermina, paru dans la collection « Continents noirs » chez Gallimard, ne déroge à aucune de ces particularités.
Heberto, le personnage clé dont on suit les délires et les nomadismes, reste fidèle à La Havane même quand il la quitte pour l’eldorado européen au bras d’une touriste venue visiter son île. Et en bon trublion qu’il est, Tchak nous livre sans pudeur ni vergogne les fantasmes, qui prennent d’ailleurs souvent chair, de la pléthore de héros nés sous sa plume. Comme si le libertinage était l’ultime forme de liberté possible. Voilà qui racolera un certain type de lecteur. Mais l’insoumission de l’auteur ne se limite pas à manier une langue crue, parfois cruelle, qui rappelle souvent le ton du romancier cubain Pedro Juan Gutiérrez. La subversion de Tchak nous touche davantage quand, au-delà de la forme, elle s’insinue dans le contenu pour diffuser des idées inattendues qui en dérangeront plus d’un. C’est exactement ce qui se passe quand Heberto se rebelle au beau milieu d’une conférence ayant pour thème « Les zoos humains. Un retour à un pan honteux de notre gloire de colonisateurs ».
Hermina est sans doute un roman perturbant, mais c’est aussi une belle déclaration d’amour aux littératures du monde. Les citations sont nombreuses et s’imbriquent si naturellement dans la prose de Tchak qu’on pourrait les croire siennes. Mais les guillemets nous avertissent : ces phrases appartiennent à V.S. Naipaul, à Balzac, à Mishima, à Césaire et à tant d’autres écrivains qui le hantent.

Hermina, Sami Tchak, Gallimard « Continents noirs », 252 pp., 19,5 euros.

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