L’héritage de Bourguiba

Le père de l’indépendance est mort il y a tout juste trois ans. Sa réhabilitation par les autorités est en cours.

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Le troisième anniversaire de la mort d’Habib Bourguiba, le fondateur de l’État tunisien moderne, a failli passer inaperçu, la majorité des Tunisiens étant actuellement obnubilée par la guerre en Irak. Beaucoup ne se sont souvenus de l’événement qu’en découvrant, le 6 avril, en ouverture du Journal de 20 heures sur Tunis 7, la chaîne de télévision nationale, le président Zine el-Abidine Ben Ali se recueillant devant la tombe de son prédécesseur, au carré de la famille Bourguiba, à Monastir (160 km au sud de Tunis).
Le chef de l’État, qui était accompagné des membres du bureau politique du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l’héritier du Néo-Destour, la formation nationaliste fondée en 1934 par Bourguiba, a récité la « Fatiha », la première sourate du Coran, à la mémoire de celui dont il fut le Premier ministre et qu’il déposa, le 7 novembre 1987, parce qu’à 84 ans il n’avait plus la capacité physique et mentale d’assurer les charges liées à sa fonction.
Bourguiba a passé les treize dernières années de sa vie dans une paisible retraite, perdant peu à peu le contact avec une Tunisie en pleine mutation qui avait appris à vivre sans lui et avait presque fini par l’oublier.
En septembre 1998, les journalistes de Jeune Afrique/l’intelligent ont été les derniers à lui rendre visite, chez lui, à Monastir, dans une villa appartenant à l’État. Contrairement à la plupart des chefs d’État arabes et africains, celui que ses compatriotes appelaient le « Combattant suprême » a en effet quitté le pouvoir aussi désargenté qu’une trentaine d’années auparavant, à l’époque où il y accéda. L’annonce de sa mort, le 6 avril 2000, a provoqué une vive émotion parmi ses compatriotes, notamment, de manière paradoxale, chez les plus jeunes d’entre eux, qui ne l’ont pas vraiment connu. Ses plus virulents opposants ont tous revendiqué, en la circonstance, son héritage moderniste et laïc, à la notable exception des islamistes d’Ennahdha. En insultant la mémoire du défunt, trop laïc à son goût, dans une déclaration à la chaîne qatarie Al-Jazira, Rached Ghannouchi, le leader de ce parti non autorisé, a indisposé une très grande majorité de ses compatriotes.
Le 8 avril, les funérailles de Bourguiba se sont déroulées dans le calme. À peine a-t-on déploré quelques débordements, vite maîtrisés par l’imposant service d’ordre mis en place pour l’occasion. La cérémonie, qui a duré un peu plus d’une demi-heure, a pourtant laissé sur leur faim les dizaines de milliers de personnes qui, venues des quatre coins du pays, s’étaient massées, dès la matinée, aux alentours du Mausolée. Des leaders de l’opposition, des représentants de la société civile et des intellectuels indépendants ont accusé le régime d’avoir écourté ces funérailles et, surtout, de n’avoir pas pris des dispositions pour en assurer la retransmission en direct à la télévision, alors que, quelques mois auparavant, celles des rois Hassan II du Maroc et Hussein de Jordanie avaient été retransmises par plusieurs télévisions arabes et européennes. « Qui, parmi tous ces gens, se souvient encore de Bourguiba ? » a lancé un haut responsable du RCD.
Bien inspiré, le parti au pouvoir revendique aujourd’hui le legs du « père de la nation tunisienne ». Une exposition-documentaire retraçant l’itinéraire politique de celui-ci et un meeting populaire en hommage à sa mémoire, l’une et l’autre présidés par Ali Chaouch, secrétaire général du RCD, ainsi qu’un film documentaire consacré à la vie du « leader Bourguiba », diffusé le 6 avril sur Tunis 7, ont permis de souligner cette filiation.
La célébration, le 3 août prochain, du centenaire de la naissance de l’ex-président Bourguiba marquera un nouveau jalon dans ce processus de réhabilitation et de glorification du fondateur de la Tunisie moderne.

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