Les martyrs de l’info

Pris dans le feu croisé des combats ou victimes de « bavures », une quinzaine de nos confrères ont trouvé la mort dans l’exercice de leur métier.

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Lors des combats à l’intérieur de Bagdad, les nombreux journalistes étrangers encore présents, même accompagnés des inévitables guides et revêtus de gilets pare-balles, avaient du mal à se déplacer. Au balcon du Palestine, l’hôtel de la rive gauche du Tigre où ils sont concentrés, ils n’en sont pas moins aux premières loges, mais aussi particulièrement exposés.
Le 8 avril dans l’après-midi, ils suivent l’affrontement, sur le pont de la République, entre deux chars Abrams américains et un groupe de fedayine de Saddam. Geysers de fumées, explosions, les caméras de télévision enregistrent, à moins de 2 000 m, les échanges et parfois les transmettent en temps réel. À 15 h 42, elles enregistrent, de face, le tir d’un des deux chars – pour s’apercevoir, quelques instants plus tard, que ce tir était dirigé sur les étages supérieurs du Palestine.
Le projectile explose sur le balcon d’une chambre occupée par l’agence de presse Reuters, au 14e étage. Quatre journalistes présents au moment de l’explosion sont touchés. Parmi eux, le cameraman d’origine ukrainienne Taras Protsyuk, 35 ans, qui travaillait pour Reuters depuis 1993, ancien de Bosnie, du Kosovo, de la Tchétchénie et de l’Afghanistan. Il succombera à ses blessures. Un autre cameraman de la chaîne espagnole Tele Cinco, José Couso, 37 ans, y laissera, lui aussi, la vie.
« Un char a essuyé des tirs d’armes légères et de grenades, et il a répliqué par un tir d’obus », a expliqué le général Bufford Blount, qui commande la IIIe division d’infanterie engagée dans Bagdad. « Nous avons souligné très clairement depuis le début que Bagdad était un endroit très dangereux : c’est une zone de guerre », a renchéri le capitaine Frank Thorp, porte-parole américain au QG d’As-Saliya, au Qatar. Même son de cloche de la part de l’attaché de presse du Pentagone, Cheryl Irwin.
Le journaliste britannique David Chater, de Sky News, dément ces allégations. Il se trouvait sur un des balcons du Palestine au moment de l’explosion. Il affirme qu’il n’a « entendu aucun tir provenant du secteur de l’hôtel, et encore moins de l’hôtel lui-même ». Propos confirmés en direct par la journaliste française Patricia Allémonière, envoyée spéciale de TF1, au Journal télévisé de 20 heures, le 8 avril.
Ces deux décès portent à une douzaine le nombre de journalistes étrangers non américains tués en Irak depuis le début du conflit, le 20 mars. Un conflit couvert par les médias comme aucun ne l’a jamais été. Ce même mardi, dans la matinée, Tarek Ayoub, un des correspondants d’Al-Jazira, avait été grièvement blessé par la chute d’un missile sur le bureau de la chaîne de télévision qatarie, dans le quartier des ministères. Lui non plus n’a pas survécu.
Les premières victimes ont été, le 22 mars, le journaliste britannique Terry Lloyd, 50 ans, de la chaîne ITN, et le cameraman australien Paul Moran, 39 ans. Le premier a été tué par un « tir ami », près de Bassora, l’autre par l’explosion d’un taxi piégé dans le Kurdistan irakien. Terry avait « fait » l’Irak, le Cambodge, la Bosnie et le Kosovo. Deux autres membres de son équipe, le Français Fred Nérac, 43 ans, et l’interprète libanais Hussein Osman, 28 ans, sont toujours portés disparus.
Autre victime dans le nord de l’Irak, le 2 avril, le cameraman iranien Kaveh Golestan, 52 ans, qui travaillait pour la BBC et qui a sauté sur une mine.
Deux autres journalistes ont été enlevés le 31 mars par des Irakiens armés près de Hilla, à quelque 130 km au sud de Bagdad : deux Polonais, Marcin Firlej, 27 ans, de la chaîne privée TVN 24, et Jacek Kaczmarek, 31 ans, de la radio publique polonaise.
Environ six cents journalistes ont été « incorporés », autrement dit accrédités auprès des forces de la coalition américano-britannique. Parmi ceux-là, la première victime a été l’Américain Michael Kelly (voir ci-contre). Le journaliste espagnol Julio Anguita Parrado, qui travaillait pour El Mundo, a été tué dans le sud de Bagdad. Troisième décès, celui de David Bloom, 39 ans, une des vedettes de la chaîne américaine NBC, victime, quant à lui, d’une embolie pulmonaire. Il avait inauguré un mode de transmission aussitôt baptisé « Bloommobile » : des reportages en direct diffusés depuis un char roulant dans le désert irakien à 80 kilomètres à l’heure, et relayé par l’antenne d’un camion et un satellite.

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