Le scandale Schön

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

Jan Hendrick Schön, jeune prodige allemand, révolutionnait l’étude des propriétés électriques des matériaux. La Recherche en avait fait écho. À tort : celui que l’on voyait déjà Prix Nobel n’était qu’un tricheur, comme vient de le reconnaître une commission d’enquête.
Environ 16 % des brèves d’actualité de physique publiées par La Recherche entre janvier 2001 et février 2002 présentaient des résultats faux. Tous les articles scientifiques sur lesquels sont fondés nos échos litigieux avaient pourtant été publiés dans les prestigieuses revues Science et Nature. Et les spécialistes français consultés nous avaient tous confirmé l’intérêt de ces travaux, sur des sujets aussi différents que les photopiles, la supraconductivité de matériaux organiques ou un transistor formé d’une seule molécule. Mais le rapport rédigé par une commission d’enquête placée sous la direction de Malcolm Beasley, de l’université de Stanford, est sans appel : « Les preuves de manipulation et de dénaturation de données sont évidentes. » Cette commission était mandatée par la direction des Bell Laboratories de Murray Hill, aux États-Unis, pour statuer sur les soupçons de fraude émis à l’encontre de l’un de ses chercheurs, Jan Hendrick Schön. À 32 ans seulement, celui-ci avait publié plus de 100 articles dans les revues les plus prestigieuses depuis son arrivée aux Bell Laboratories en 1997. Verdict : parmi les 25 articles examinés, 18 contiennent des données fabriquées, 7 fournissent une précision de mesure irréaliste et 5 contredisent la physique connue.
Le licenciement de Schön a été immédiat. Mais quid de la responsabilité des coauteurs ? Le rapport Beasley disculpe ceux qui, comme Christian Kloc, chimiste aux Bell Laboratories, ont seulement fourni des échantillons à Schön, sans participer aux mesures physiques ultérieures. Mais il reste plus dubitatif sur le rôle de Bertram Batlogg, qui avait embauché Schön et qui a pris en 2000 un poste de professeur à l’École polytechnique de Zürich : il dirigeait officiellement les recherches et aurait dû davantage vérifier des résultats aussi extraordinaires.
Quant aux revues scientifiques, « la politique éditoriale de Nature semble être plus influencée par l’aspect médiatique des travaux que par leur qualité », s’insurge Philip Anderson, Prix Nobel de physique en 1977 et ancien employé des Bell Laboratories. « Et Science semble atteint du même syndrome », ajoute-t-il. D’autres sont plus indulgents. Pour Lydia Sohn, de l’université de Princeton, qui est à l’origine de la découverte de la fraude, cette histoire « montre que le système de contrôle en sciences fonctionne ».
Ce ne sont toutefois pas les rapporteurs chargés par les revues de juger la qualité des articles qui ont démasqué Schön, et le fait qu’aucune équipe n’ait réussi à reproduire ses expériences n’avait apparemment pas troublé les éditeurs. Il a fallu qu’il commette une énorme erreur, en publiant la même courbe dans plusieurs articles concernant des systèmes physiques différents…

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