Kérékou vainqueur

Les résultats des législatives du 30 mars permettent au chef de l’État d’envisager une fin de mandat paisible.

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 4 minutes.

Bulles de champagne chez les nouveaux députés. Amertume chez ceux qui quittent l’Hémicycle et les avantages liés à la fonction (voir J.A.I. n° 2203). Un peu plus de la moitié des 3,1 millions d’électeurs ont fait le déplacement le 30 mars dernier pour désigner leurs représentants à l’Assemblée nationale. La Cour constitutionnelle a rendu son verdict le 8 avril.
Le grand gagnant du scrutin est l’actuel chef de l’État Mathieu Kérékou. Pour la première fois depuis son retour à la tête du pays en 1996, il dispose d’une majorité claire au Parlement. Cinquante-deux députés sur quatre-vingt-trois se réclament de la « mouvance présidentielle ». Et la transhumance a déjà frappé : le Parti du renouveau démocratique (PRD), avec ses onze députés, rejoint le camp des vainqueurs alors qu’il est allé aux élections au nom de l’opposition. C’est l’annonce surprise faite par le président du parti, Adrien Houngbédji, au lendemain de la publication des résultats.
Kérékou n’a pas eu à mouiller le maillot pour remporter ce succès. Ses partisans ont fait le boulot. À commencer par le ministre d’État et coordonnateur national de l’Union pour le Bénin du futur (UBF), Bruno Amoussou. La victoire du camp présidentiel est aussi la sienne. L’UBF, coalition de partis spécialement mise en place pour les élections, a gagné son pari : trente et un sièges dans son escarcelle. En vue de l’élection présidentielle de 2006, Amoussou se verrait bien adoubé par Kérékou. Le général à la retraite prendra normalement sa retraite au terme de son deuxième et ultime mandat, selon les termes de la Constitution. Mais le patronyme ne devrait pas prendre congé. Modeste Kérékou, le fils de Mathieu, fait son entrée au Parlement et en sera le benjamin. Âgé de 27 ans, il n’a pas davantage mouillé le maillot que son père. Propulsé candidat UBF dans la région natale du président, le succès était garanti.
En appoint à l’UBF, six autres partis et alliances permettent au pouvoir en place de s’assurer une confortable majorité. Au premier rang de ces formations, le Mouvement africain pour la démocratie et le progrès (Madep) de l’homme d’affaires Séfou Fagbohoun (neuf députés) et l’Alliance force clé du ministre du Commerce Lazare Séhouéto (cinq sièges). Comment récompenser les nombreux cadres qui ont activement soutenu le camp présidentiel ? Certaines personnalités élues sont prêtes à confier le siège de député à leur suppléant en échange d’une place dans le futur gouvernement. Un portefeuille ministériel est peut-être plus précaire, la durée n’étant pas garantie, mais il est aussi plus rentable financièrement à court terme que la fonction législative. Il faut aussi penser à tous ceux qui, plus modestes, espèrent un poste juteux dans l’administration.
L’opposition est réduite à la portion congrue. Gueule de bois à la Renaissance du Bénin (RB), la formation de l’ancien président et maire de Cotonou Nicéphore Soglo et de son épouse Rosine. De vingt-sept dans l’Assemblée sortante, les « Renaissants » ne seront plus que quinze dans la nouvelle. La faute sans doute aux perpétuels conflits internes. Rosine Soglo, la présidente du parti, ne s’est pas montrée plus soucieuse que par le passé de sa popularité. Le parti a perdu des plumes, mais pas la famille. Rosine conserve son siège au Parlement, et Ganiou, 41 ans, le fils cadet du couple, l’y rejoint. Nicéphore et le fils aîné, Léhady, 44 ans, respectivement maire et premier adjoint au maire, sont quant à eux aux commandes de la capitale économique, Cotonou.
L’alliance entre la RB des Soglo et le Parti du renouveau démocratique (PRD) du maire de Porto-Novo, Adrien Houngbédji, a vécu. Avec onze députés, un de plus que précédemment, le PRD s’est maintenu, avec le même nombre de députés que précédemment. Mais ce n’est pas un résultat satisfaisant pour la machine électorale d’un candidat certain à la présidentielle de 2006. D’où le basculement spectaculaire, après coup, de ce parti d’opposition dans le camp Kérékou, pour les trois prochaines années. À noter qu’il n’y a pas d’enfant Houngbédji sur la liste des nouveaux députés. On se demande ce qu’ils font…
Le modèle démocratique béninois est-il frappé d’asthénie ? La forte abstention le 30 mars (45 % dans un pays où l’on aime généralement voter) semble l’indiquer. Certes, la banalisation des élections et la stabilité politique du pays restent une denrée rare dans la sous-région. Mais les petites gens se lassent de voter pour faire le bonheur de quelques-uns, alors que rien ne change dans leur vie quotidienne. Les idées ont été absentes de la consultation. Ailleurs, les législatives sont l’occasion de confronter des programmes politiques et de discuter de santé, d’éducation, d’économie…

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