Humain, trop humain

Les éditions Phaidon publient une rétrospective de l’oeuvre de l’Anglais George Rodger. Coup d’oeil sur un siècle d’images.

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Le Voyage photographique de George Rodger est un kaléidoscope de sensations violentes qui dessinent le visage, souvent grave, du XXe siècle. Du blitz de Londres aux camps de concentration, du débarquement des Alliés en Italie à la libération de Paris et de Bruxelles, le cofondateur, en 1947 – avec Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, David Seymour et Bill Vandivert -, de l’agence Magnum a arpenté le monde le doigt sur le déclencheur. C’est cet itinéraire que nous proposent les éditions Phaidon, connues pour l’attention qu’elles portent aux beaux livres, avec la publication en français d’Humanité et Inhumanité(*).
Ce voyage commence en 1908, à Hale, dans le Cheshire, où est né George Rodger. Après des études au collège de St-Bees, le jeune homme travaille dans une ferme, où, s’il ne dédaigne pas traire les vaches, il est franchement dégoûté par la castration des porcelets. À 18 ans, en mauvais termes avec son père, il se décide à prendre le large. L’occasion, malgré le mal de mer, de découvrir que ce qu’il veut avant tout, c’est traduire sa perception du monde. Un exercice commencé à l’écrit : en 1928, il publie sa première histoire dans le Baltimore Sun. Mais les dessins utilisés pour illustrer son texte ne le satisfont pas. Désormais, il proposera ses propres photographies. Sans succès, dans un premier un temps.
1929, la crise. George Rodger vit aux États-Unis. Pour survivre, il range ses ambitions au placard et court après les boulots alimentaires. De retour en Angleterre sans le sou, en 1936, il obtient une place au magazine de la BBC, The Listener. Il y réalise ses premiers portraits, aidé par une jeune et fort jolie étudiante en photographie, Esmeralda. Et fait une autre rencontre tout aussi déterminante : celle du Leica 35 mm, qui deviendra l’outil de travail de plusieurs générations de photojournalistes.
La routine et l’enfermement d’un bureau ne conviennent pas à un homme avide de découvertes et de grand air. Rodger entreprend, en 1939, de travailler comme photographe free lance pour la Black Star Agency. Il couvre les galas de charité, les garden-parties et s’essaie même aux nus artistiques. Il fait ses armes, mais bientôt les armes le rattrapent. Découragé par sa carrière de photographe, il s’engage dans la Royal Air Force. En tant qu’artiste, il est relégué à l’arrière. Coup de chance, car il faut bien qu’il y en ait, Life lui propose un contrat pour couvrir la guerre en Europe. C’est parti. Pendant quarante ans, Rodger va parcourir le monde en tout sens, publier des reportages et des livres, exposer ses travaux et recevoir tous les honneurs.
Après les bombardements sur Londres, il accompagne les Forces françaises libres en Afrique de l’Ouest, la Légion étrangère en Érythrée… Puis ce sera le débarquement, la libération de l’Europe, et la découverte de l’horreur nazie. Les photos du camp de concentration de Bergen- Belsen sont, à ce titre, les plus terribles escales du reporter.
S’ensuit une autre expérience de l’Afrique lors d’un voyage du Cap au Caire par la route. Toujours modernes, les clichés de Rodger racontent le quotidien des tribus du Soudan, d’Ouganda ou encore la révolte Mau-Mau au Kenya. Ironie de l’Histoire, les superbes photos des guerriers noubas publiés dans Life pousseront la cinéaste Leni Riefenstahl, qui tourna pour Hitler Le Triomphe de la volonté, à se rendre sur place.
George Rodger est décédé en 1995. Comme l’écrivait Henri Cartier- Bresson en 1994, « son oeuvre est un témoignage vivant à travers le temps et l’espace ».

* Humanité et Inhumanité, le voyage photographique de George Rodger, éd. Phaidon, 230 photos, 320 pp., 39,95 euros.

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