Entre intox et rodomontades

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

La guerre s’achève comme elle a commencé : dans le mensonge et les faux-semblants. Bien sûr, le phénomène était inévitable puisque l’information est une arme beaucoup plus « intelligente » que le missile le plus sophistiqué ; elle peut dissuader, démoraliser, diviser l’ennemi et hâter ainsi sa défaite. Les deux belligérants ne s’en sont pas privés, et l’on retrouve dans leurs « guerres de l’info » les mêmes caractéristiques que dans leurs méthodes de combat. Aux Anglo-Saxons revient la palme pour les manipulations élaborées et vicieuses, mais les gens de Saddam montent sur la plus haute marche du podium pour les rodomontades stupides et la propagande la plus grossière.
Il faut dire que le raïs avait commencé très fort en tenant un discours irréel quelques jours après le début des hostilités. Il y annonçait que « l’ennemi était pris au piège » et prédisait une victoire « proche ». Ensuite, tout a été utilisé en matière d’intox : missile israélien tiré sur Bagdad, images de sites bombardés et soigneusement choisis pour ne pas démoraliser, dénonciation de la barbarie des assaillants…
Ces « classiques » ont été vite démodés par les conférences de presse ubuesques du ministre irakien de l’Information Mohamed Saïd el-Sahhaf. Alors que les chars américains s’emparaient de l’aéroport de la capitale, il affirmait qu’ils en avaient été chassés. Alors que les mêmes chars prenaient position sur un pont de Badgad, il annonçait que les forces américaines allaient « se rendre ». Alors que les premières troupes américaines occupaient l’un des palais de Saddam à quelques encablures de la salle où se tenait son ultime réunion de presse, il niait toute présence ennemie dans Bagdad !
Côté anglo-saxon, on avait déjà fait ses preuves avant même l’ouverture des hostilités. Rappelons que, le 28 janvier, Bush avait accusé l’Irak d’avoir tenté d’acheter cinq tonnes d’oxyde d’uranium au Niger pour son programme secret d’arme nucléaire. Le 7 mars, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) Mohamed el-Baradeï déclarait que les preuves avancées étaient « des faux » (lire ci-contre).
La suite a été du même tonneau. Citons deux manipulations caractéristiques. La première était destinée à émouvoir l’opinion britannique : Tony Blair avait cru pouvoir dénoncer, le 27 mars, l’exécution de deux soldats britanniques par les Irakiens. Démenti de la soeur de l’une des victimes qui lui répondit que l’état-major lui avait confirmé que son frère était mort au combat. La deuxième manipulation est plus stratégique, car il fallait trouver des preuves de l’existence de ces fameuses armes de destruction massive légitimant la guerre. Coup de chance ! La 101e division parachutiste tombe sur des équipements suspects à Kerbala. Peut-être du gaz innervant de type sarin. Les presses israélienne et américaine s’en emparent. Une source militaire américaine finit par reconnaître que les tests sont « négatifs ». Mais le but est atteint dans l’opinion, persuadée qu’il aurait pu y avoir une arme chimique…
On comprend qu’après tant de mensonges et d’intox les journalistes se soient montrés plus prudents que lors de la première guerre du Golfe. Et que bien des Badgadis aient pleuré, le 9 avril, en voyant les chars américains occuper leur capitale prétendue imprenable.

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