Délocalisation à l’italienne

La petite cité d’Enfidha devrait bientôt accueillir sur son sol 180 entreprises, en majorité originaires de la Vénétie.

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Lundi 7 avril. Les youyous des femmes résonnent dans la petite cité d’Enfidha, à 80 kilomètres au sud de Tunis. Une façon de souhaiter la bienvenue à plus d’une cinquantaine d’hommes d’affaires italiens. Pour la plupart implantés en Vénétie, ils sont venus inaugurer la pose de la première pierre du District industriel d’Enfidha (DIE). D’un coût initial de 50 millions d’euros, le projet doit permettre l’implantation de 180 entreprises italiennes et la création de quelque 18 000 emplois.
Heureux, l’ambassadeur d’Italie à Tunis, Armando Sanguini, saisit la symbolique du moment : « On aurait préféré voir les chaînes de télévision par satellite CNN et Al-Jazira couvrir cet événement plutôt que la guerre en Irak », dit-il. Hommes d’affaires italiens et officiels tunisiens, avec à leur tête Mohamed Nouri Jouini, ministre du Développement et de l’Investissement extérieur, applaudissent. À l’entrée du futur district, deux oliviers, symboles de paix en Méditerranée, ont été plantés pour marquer l’événement.
Le promoteur du projet, Bruno Di Angeli, est tombé amoureux de la Tunisie. Originaire de Turin, il vit depuis trente-cinq ans dans le pays, où il a investi dans plusieurs secteurs d’activité. L’an dernier, il a invité dans sa maison de la station balnéaire de Hammamet Enrico Cavaliere, président du conseil régional de la Vénétie. « Pourquoi les entreprises de Vénétie ne viendraient-elles pas investir en Tunisie ? » a-t-il alors suggéré. Une proposition qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd : la Vénétie est célèbre notamment pour ses « districts », qui en ont fait la région la plus prospère d’Italie. Ces derniers regroupent, sur un même site, de petites structures productives qui opèrent, en toute indépendance, les différentes phases de fabrication d’un produit.
Mais, aujourd’hui, la Vénétie manque de main-d’oeuvre. Pour préserver leur compétitivité, les entreprises de la région ont, ces dernières années, fortement délocalisé leurs activités dans les pays d’Europe centrale.
Or certains de ces États vont rejoindre, en 2004, l’Union européenne. Ce qui aura pour conséquence, à terme, de réduire considérablement l’avantage des coûts. « Il y a 16 500 industriels italiens qui ont délocalisé leurs activités dans les pays de l’Est, estime Di Angeli. Dans quatre ans, ils seront de retour. Où vont-ils aller ? Le seul pays proche de l’Italie en mesure de les acueillir est la Tunisie. »
L’ambassadeur de Tunisie à Rome, Mohamed Jegham, s’investit donc pour que le projet, qui bénéficie du soutien du président Zine el-Abidine Ben Ali et du Premier ministre Mohamed Ghannouchi, devienne réalité. Ainsi, une société offshore italienne, Développement industriel Enfidha Tunisie (Diet), bénéficie de la participation du Conseil régional de Vénétie, d’associations industrielles, et de plusieurs banques de la région, mais aussi de l’appui financier des agences de coopération internationale qui dépendent du gouvernement italien. Ce dernier met à sa disposition 50 hectares, première tranche d’un terrain de 200 hectares qui accueillera une zone industrielle offshore italienne complètement tournée vers l’exportation. Dans cette première tranche, on compte cinquante-trois lots de terrains de 8 000 m2 à 11 000 m2. Le site est idéal : il jouxte l’autoroute, une voie de chemin de fer Nord-Sud, et la route nationale n° 1. Et se trouve à mi-chemin entre les aéroport de Tunis-Carthage et de Monastir, en attendant la construction d’un grand aéroport à Enfidha même. Les stations balnéaires de Hammamet et de Sousse-Kantaoui sont chacune à une quarantaine de kilomètres du site. Le gouvernement tunisien cède à Diet le mètre carré de terrain au dinar symbolique (0,7 euro). L’État tunisien prend en charge le coût de l’infrastructure extra-muros et accorde aux investisseurs des exonérations fiscales.
En ce 7 avril, les bulldozers de la firme italienne de travaux publics Carta Isnardo sont à pied d’oeuvre pour aménager la zone. Le promoteur, Di Angeli, exulte : « Cinquante-trois industriels ont déjà pris une option irrévocable sur l’ensemble des lots. On espère passer à la deuxième tranche en novembre prochain. » Leurs secteurs d’activité : l’électronique, l’agroalimentaire de haut niveau, le textile haut de gamme, la pharmacie, le plastique, le cuir, ou l’ameublement.
Le projet mis en place à Enfidha est significatif de l’attirance réciproque entre les deux pays. L’Italie est, après la France, le deuxième grand investisseur dans le secteur manufacturier tunisien. Le total des entreprises totalement ou partiellement italiennes implantées en Tunisie s’élève à 551, avec un investissement cumulé de 654 millions de dinars (457 millions d’euros). Presque totalement tournées vers l’exportation, ces sociétés exercent, en majorité, dans le domaine du textile, de la mécanique, de l’énergie électrique, du cuir et des chaussures, de l’agroalimentaire et du tourisme.

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