Distraction massive

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Mais où sont passées ces armes de destruction massive dont le régime défunt de Saddam Hussein menaçait le monde ? La guerre est quasiment finie et les armes qui ont massivement détruit sont plutôt américaines. La soldatesque suréquipée qui a investi Bagdad a remisé les combinaisons NBC de protection contre les armes chimiques et bactériologiques. Inconscience, alors que Washington a justifié la guerre par le danger imminent que pose la détention de ces engins de mort par Saddam ? Ce n’est pas le genre de l’US Army. Les marines ne craignent plus une attaque au gaz VX, au sarin, au gaz moutarde ou à l’anthrax. Pourtant, un rapport de la CIA, publié en octobre 2002, affirmait que l’Irak continuait à produire ces poisons létaux. Servant de base à la fameuse et fumeuse doctrine de l’action préventive de l’administration Bush.
Il faut impérativement exhumer sur le territoire irakien, désormais conquis, les preuves des certitudes d’un Colin Powell, peu convaincant devant un Conseil de sécurité sceptique devant le motif de guerre affiché par les États-Unis. On comprend alors que le ministre britannique de la Défense Geoff Hoon fasse déjà état de « découvertes intéressantes ». Le 8 avril, les autorités américaines ont annoncé qu’elles enquêtaient sur la découverte par la 101e division aéroportée de substances contenues dans des barils, trouvés dans le camp militaire d’Abou Mahawish, entre Hilla et Kerbala, dans le centre de l’Irak. Il s’agirait, selon un examen préliminaire, de produits neurotoxiques sarin et tabun pouvant servir d’armes chimiques. Dans le même temps, près de Nadjaf, dans le sud du pays, il est question de gaz moutarde. Selon les responsables américains, cinq soldats ont développé les symptômes d’une contamination par ce gaz asphyxiant lors de l’inspection d’un dépôt de munitions. Vu le sort fait à la vérité dans ce conflit, ces informations n’emportent pas la conviction.
De plus, comme le souligne Jon Wolfsthal, expert à la Fondation Carnegie pour la paix, à Washington, trouver des armes de destruction massive « ne signifierait pas pour autant que la guerre était le seul moyen de découvrir et d’éliminer ces armes ». Pour lui, la crédibilité des États-Unis risque d’être durablement affectée. Dans une interview au quotidien espagnol El País, Hans Blix, ancien chef des inspecteurs de l’ONU en Irak, est plus direct : « On se pose beaucoup de questions quand on voit tout ce qu’ils [les États-Unis] ont fait pour essayer de démontrer que les Irakiens possédaient des armes nucléaires, comme le contrat falsifié avec le Niger [voir pp. 68-69]. »
Le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld et l’allié britannique Tony Blair ont conscience des doutes de l’opinion publique sur le casus belli de la guerre contre l’Irak. Dans une conférence de presse, le premier a déclaré qu’« il est évidemment important de les trouver [les armes de destruction massive] ». Le second a affirmé devant son Parlement qu’« il n’a aucun doute que ces armes de destruction massive existent ». Avant d’ajouter que toute arme de ce type qui serait découverte devrait être « objectivement vérifiée, peut-être par les inspecteurs onusiens ». Reconnaissance tacite qu’il n’est pas absurde de croire la coalition anglo-américaine capable de « fabriquer » des preuves en territoire irakien.
Ces questions ne sont-elles pas incongrues au moment où les images joyeuses d’Irakiens libérés de la dictature de Saddam Hussein fleurissent dans les médias ? Pas vraiment. Car on ne justifie pas a posteriori une guerre illégale par ses effets collatéraux, fussent-ils positifs.

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