De Tunis à Cinecittà
Silhouette dorée, image douce, femme fatale, Claudia Cardinale raconte ses débuts.
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L’article sélectionné cette semaine a été publié dans le n°130 semaine du 15 au 21 avril 1963
L’attaché de presse me chuchote quelque chose à l’oreille : « C’est la séance de photos. Tenez, mettez-vous là, en attendant. Rien ne doit troubler M. Stern. »
J’enjambe des câbles tortueux, des valises qui traînent, de lourds objets carrés sur la destination desquels je m’interroge en vain, et, comme tout le monde, je me tais et je regarde : cernée par les projecteurs, au centre de l’îlot lumineux, Claudia Cardinale émerge, triomphante. Tout au fond, tapissant le mur, toutes les couvertures de Claudia s’étalent en panorama : Jours de France, Match, Lire, Epoca, silhouette dorée, image douce, femme fatale, penchée en avant, appuyée sur le côté, multipliée à l’infini, Claudia partout, hallucinante. On apprend avec étonnement ce que l’on peut faire d’un seul visage…
L’attaché de presse m’explique : l’interview, d’accord, mais entre les photos seulement. J’aurai donc C.C. par tranches successives, sur fond de Claudia. On commence. Photo ! C’est tout un ballet. L’ordonnateur, M. Stern, avance, recule, plante son oeil dans l’objectif. Non, ça ne va pas. Lumière à gauche, commande-t-il. Un premier assistant tourne des boutons sur une énorme plaque qui ressemble au tableau de bord d’un sous-marin. Les deuxième et troisième assistants s’agitent alentour. Une quatrième acolyte, assistante-metteur en scène, installée dans un fauteuil, plaisante un peu l’attaché de presse.
« Tunis, oui, c’est mon enfance. J’y retournerai peut-être en juillet. Deux semaines au soleil, ce serait tellement bien ! Et je reverrai mes grands-parents, qui habitent toujours là-bas. » Elle raconte ses débuts, la kermesse annuelle de La Marsa, le concours de « la plus belle Italienne de Tunisie », son succès imprévu. Et, surtout, le prix remporté : un voyage à Venise, à l’occasion du Festival du cinéma : « Je suis partie avec ma mère, parce qu’on avait droit à deux places. Moi, ce qui me plaisait le plus, c’était de voir Venise. Je ne pensais jamais au cinéma. »
Les contrats affluent. Les producteurs se mettent sur les rangs. Que se passe-t-il ? « Peut-être dois-je mon succès à mon inexpérience. Ma carrière est à l’opposé des réussites classiques. Lorsqu’à Venise on est venu me proposer des contrats, je n’ai pas sauté de joie. Bien mieux ! J’ai tout refusé et je suis rentrée à Tunis. J’avais peur. Le cinéma ? Je ne m’en croyais pas du tout capable. Une fille qui refuse sa chance, les producteurs n’avaient jamais vu ça. Alors, ils se sont obstinés et ont persisté à écrire à mes parents à Tunis. »
A-t-on idée de rentrer chez soi quand les plus grands producteurs du monde vous réclament ? Cette petite, se dit-on, doit avoir quelque chose de spécial ; en tout cas, elle n’est pas comme les autres. Il faut l’avoir.
Adorable Claudia ! Curieuse Claudia ! De la petite Sicilienne farouche à l’actrice qui, quatre ans plus tard, parle l’anglais avec l’accent de Broadway, quel chemin n’a-t-elle pas fait ? Elle est belle, elle est douée et elle travaille dur. Un sourire, des jambes, de l’allure, mais aussi de la tête.
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