Antwone Fisher, par Denzel Washington

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

Le plus connu de tous les acteurs africains-américains, Denzel Washington, à l’approche de la cinquantaine, était au sommet de sa carrière. Oscarisé deux fois, comme meilleur second rôle à la fin des années quatre-vingt (pour Glory) et comme meilleur premier rôle une dizaine d’années plus tard (pour Training Day), célébré pour ses interprétations dans des films qui furent des succès mondiaux, comme Malcolm X de Spike Lee ou Hurricane Carter de Norman Jewison, il n’avait plus rien à prouver. C’est alors que, séduit par le scénario autobiographique d’un jeune auteur, il a décidé de prendre à nouveau des risques et de jouer « en vrai » les débutants en se lançant dans la réalisation.
Vu le sujet d’Antwone Fisher, du nom du héros du film, on pouvait craindre le pire. Le premier long-métrage de Washington, pur drame psychologique, raconte en effet comment un jeune Noir engagé dans la Navy, et sur le point d’être éjecté de sa « nouvelle famille » militaire pour cause de brutalité, réussit à s’en sortir pour devenir enfin un bon citoyen et un bon soldat grâce à l’aide d’un bon docteur. Ce dernier, Jerome Davenport, un psychiatre de l’armée dont le rôle est interprété par le réalisateur lui-même, a finement deviné que les passages à l’acte irrépressibles du très caractériel Antwone, envoyé « de force » par ses supérieurs le consulter pour déterminer s’il peut s’amender, trouvent leur origine dans son enfance malheureuse. Privé de père, pour cause d’assassinat intrafamilial avant même qu’il ne voie le jour, abandonné peu après sa naissance par sa mère, victime très tôt d’agressions sexuelles perpétrées par sa tante, le futur matelot a été de surcroît sérieusement maltraité par sa mère adoptive, qui passait son temps à le traiter de « nègre » bien qu’elle soit elle-même noire.
Nul besoin d’être Sigmund Freud pour comprendre que le « patient » du Dr Davenport avait besoin d’assumer ces traumatismes de son enfance plus ou moins refoulés grâce à une bonne cure cathartique, laquelle lui permettra enfin de dominer et non plus de subir son destin. L’histoire du film, plein de flash-backs, sera donc celle d’une thérapie réussie, celle de la rédemption d’un bad boy qui ne demandait qu’à s’assagir une fois ses démons intérieurs exorcisés. Contre toute attente, même si – il est des miracles impossibles – Antwone Fisher n’évite pas tous les travers du mélo larmoyant, le film échappe le plus souvent au sentimentalisme simpliste, au propos moralisant ou à la démonstration édifiante des vertus de la psychothérapie à la mode américaine. Car Denzel Washington, en s’attachant avec une louable pudeur à filmer sans effets faciles les blocages et les émotions de ses personnages, prouve qu’on peut traiter avec une certaine délicatesse les sujets les plus « massifs ». De plus, sans avoir l’air d’y toucher, il se sert d’une histoire à bien des égards conventionnelle pour traiter d’un thème sulfureux et politiquement incorrect dans l’Amérique d’aujourd’hui, celui de la violence interne à la communauté noire. Voilà pourquoi il ne paraît pas impossible qu’on ait assisté, avec ce film, à la naissance d’un nouveau cinéaste africain-américain. Sous réserve de confirmation.

Sortie à Paris le 16 avril 2003.

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