2004, année de tous les dangers

L’Algérie entre en campagne électorale. Les problèmes urgents attendront.

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 4 minutes.

La prochaine présidentielle devrait être palpitante. Davantage, en tout cas, que la précédente, en 1999, qui avait été marquée par le retrait à la dernière minute de six candidats. Enfin de vraies élections ? Les dernières législatives (30 mai 2002) se sont bel et bien jouées dans l’isoloir et non plus « en haut lieu ». Bourrage des urnes, candidatures empêchées, trucage des listes : ce temps est apparemment révolu. Personne ne s’en plaindra, même si le taux de participation extrêmement faible (46 %) – preuve, soit dit en passant, que les chiffres n’ont pas été manipulés – souligne le manque de confiance des électeurs dans leurs institutions. Voire dans la politique en général.
Les hommes politiques algériens ont donc la lourde tâche de répondre à la question que se pose la majorité des électeurs : « À quoi bon voter ? » A priori débarrassée de la « tutelle » militaire, comme l’a annoncé le général de corps d’armée Mohamed Lamari dans une interview à l’hebdomadaire français Le Point, la présidentielle de 2004 verra donc Abdelaziz Bouteflika briguer un second mandat. Parce que celui-ci estime ne pas avoir eu le temps d’achever sa mission. Après un premier mandat consacré à restaurer l’image ternie de l’Algérie et à convaincre les investisseurs étrangers, il en sollicite un second pour mener à bien des réformes promises de longue date, mais jamais vraiment engagées.
Le locataire d’el-Mouradia devra donc défendre son bilan. Ce ne sera pas chose aisée. Accusé dans certains milieux, peu nombreux mais influents, d’avoir « pactisé » avec les islamistes et pardonné aux terroristes, mais aussi d’être responsable de la crise kabyle, de l’enlisement des réformes et de l’absence de progrès social, bref, de ne pas s’occuper de son pays, « Boutef » doit également faire face aux attaques virulentes de la presse privée. Avec une vingtaine de titres chaque jour dans les kiosques, le feu est nourri… Apparemment, tirer à boulets rouges sur le chef de l’État est devenu un phénomène de mode, surtout à Alger.
Qui devra-t-il affronter ? La candidature la plus sérieuse (et déjà annoncée) est celle d’Abdallah Djaballah (MRN-Islah). Le leader islamiste bénéficie largement de… la guerre en Irak. Humiliée par l’« agression » américaine, la rue arabe pourrait être tentée de remettre en selle des islamistes – considérés comme le seul refuge contre l’impérialisme – que l’on disait en perte de vitesse. Reste à savoir si les Algériens sont prêts à confier les rênes de leur pays à un « barbu ».
Mais le nom qui revient avec le plus d’insistance est celui d’Ali Benflis. Premier ministre et secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), l’ancien parti unique tombé en décrépitude avant de redevenir la première force politique du pays (il a obtenu une large majorité lors des dernières législatives, puis lors des élections locales d’octobre 2002), celui-ci n’a encore rien annoncé. Il est vrai qu’il lui est difficile de se poser en rival du chef de l’État, alors qu’il est (ou a été) son plus proche collaborateur, la cheville ouvrière de son « système ». Mais après tout, pourquoi pas ? Benflis y sera certainement poussé par sa base et par tous les « anti-Bouteflika », à commencer par l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) d’Abdelmajid Sidi Saïd.
En cas de confrontation entre les deux hommes – simple hypothèse, pour l’instant -, qui de Benflis ou de Bouteflika l’emportera ? Difficile à dire. Le premier dispose désormais d’une formidable machine électorale et surfe sur la vague du succès. Il est assurément l’un des Premiers ministres les plus populaires (ou les moins impopulaires…) depuis longtemps. Ses détracteurs sont peu nombreux et, surtout, peu virulents. Enfin, même s’il avoue volontiers ses faibles compétences en matière économique, il est réputé sérieux, intègre et travailleur.
Mais le second est loin d’être démuni. Ne nous y trompons pas : les critiques acerbes dont il est en permanence l’objet ne reflètent pas l’état réel de sa popularité. Pour s’en convaincre, il suffit de l’accompagner dans l’une de ses visites dans l’intérieur du pays… Mais le principal atout de Bouteflika est sans doute son expérience : c’est un véritable « animal » politique. Se mesurer à lui dans un débat télévisé est, par exemple, un exercice extrêmement périlleux. Enfin, il dispose d’une arme de « destruction massive », la dissolution de l’Assemblée, qu’il pourrait être tenté d’utiliser si le FLN avait l’audace d’investir quelqu’un d’autre que lui. Mais, bien sûr, c’est une arme à double tranchant, comme le président français Jacques Chirac en a fait la douloureuse expérience…
Rendez-vous est donc pris pour la fin de l’année 2003. Pour l’instant, personne, et surtout pas Benflis, n’a intérêt à afficher prématurément ses ambitions. La campagne est lancée et les escarmouches ont déjà commencé. Le sprint final promet d’être passionnant. Reste qu’il s’agira, pour l’Algérie, d’une nouvelle année perdue. L’attention se focalise déjà sur la présidentielle. Le reste, c’est-à-dire l’essentiel, attendra…

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