Aime-toi et les autres t’aimeront

Publié le 16 avril 2003 Lecture : 4 minutes.

Les événements des dernières semaines, que j’ai vécus d’ici, aux États-Unis, avec beaucoup de frustration, m’ont beaucoup attristée, et m’ont fait réfléchir sur cette nature humaine qui est la nôtre. Si l’aisance matérielle et l’éducation ne réussissent pas à rendre les hommes moins sauvages, il n’est pas étonnant de voir monter tant de désespoir et de malaise dans le monde : terrorisme, délinquance, racisme, sectes, fanatisme religieux… Cependant, ayant participé au mouvement de la paix ici et observé ceux qui ont eu lieu dans d’autres pays, j’ai eu le sentiment que la réaction quasi générale des peuples de la planète contre cette guerre dénote un sentiment de révolte contre les systèmes établis, un peu comme si tout le monde avait besoin de se tourner vers d’autres valeurs. Cette idée m’a suggéré les réflexions dont je vous fais part ici, et que je voudrais partager avec les lecteurs de votre journal. Puissent ces réflexions faire naître une lueur d’espoir et remonter un peu le moral, en ces jours difficiles.
L’amour des autres commence par l’amour de soi. Lorsqu’une personne a de l’amour et de l’estime pour elle-même, elle va être mieux avec elle-même et donc sera plus tolérante et plus aimable avec les autres. Étant mieux avec elle-même, elle dégagera un bien-être qui, au lieu d’inspirer la méfiance et le rejet, invitera les autres à mieux l’apprécier.
Une collectivité étant composée d’individus, ce qui est vrai pour un individu est aussi vrai pour une collectivité. Si, donc, ce qu’on appelle les Arabes, les musulmans, les juifs, les Arméniens, les Kurdes, les Américains, les Noirs, et tant d’autres communautés qui inspirent la haine, ou qui ont le sentiment d’en inspirer, si chacune de ces communautés commençait par faire la paix avec elle-même et se débarrasser de ses complexes et de son mal-être, son comportement s’améliorerait, son attitude changerait, et, par conséquent, l’attitude des autres envers elle deviendrait tout autre.
De même que la démocratie ne s’impose pas par la force, que la liberté ne s’octroie pas, que la richesse ne peut être générée par la charité, chaque communauté peut certes avoir besoin d’aide, mais, malgré toute l’aide du monde, ne peut progresser que par elle-même. C’est pourquoi il est temps que chaque individu et chaque groupe prenne conscience de ses faiblesses et commence à agir d’abord sur lui-même, pour apprendre à mieux se sentir, et donc à se faire accepter par les autres. Il est temps, par exemple, que les juifs apprennent à se débarrasser de leur paranoïa, au lieu de manipuler les uns et les autres et de se venger sur d’autres encore. Il est temps que la communauté arabo-musulmane cesse de se considérer comme une victime du colonialisme et du modernisme, de s’en prendre systématiquement à l’Occident, et apprenne à prendre en charge son propre destin au lieu de se réfugier dans la religion et la nostalgie du passé. Il est temps aussi que les Américains assument la récente émergence de leur civilisation, et commencent à soigner les maux de leur société, avant de vouloir apprendre à vivre aux autres.
Notre civilisation est fondée sur les rapports de force. Nos valeurs sont devenues l’argent et la puissance, la réussite et les performances. C’est une course malsaine qui conduit à la frustration de ceux qui restent en arrière. C’est une civilisation de l’ego, qui ne peut amener qu’à la haine de soi, et par conséquent à la haine de l’autre.
La société dans laquelle nous vivons est une société fondée sur la vanité, où il s’agit constamment de prouver quelque chose et de se mettre en valeur les uns par rapport aux autres. C’est la raison pour laquelle, à la suite des événements du 11 septembre 2001, au lieu que ces événements aient été perçus par les uns et les autres comme une sonnette d’alarme destinée à faire réfléchir le monde sur ses problèmes réels et profonds, la réaction a été une réaction de violence et de confrontation. L’exemple le plus frappant est celui de la polémique provoquée par la notion de choc des civilisations. Quand des terroristes provoquent de réels et douloureux chocs, le rôle des universitaires, des journalistes et des responsables devrait être de calmer les esprits, sans tenir compte des passions et des animosités. Ce qui s’est passé, au contraire, c’est que chacun s’est mis à faire valoir ses prétendues valeurs et les « performances » de sa civilisation.
Il est temps aujourd’hui, pour les êtres humains, de commencer à prendre conscience du fait que personne n’est mieux que personne, qu’aucune culture ni aucune civilisation n’est supérieure à une autre, et qu’il est inutile de perdre du temps, de l’énergie et des vies humaines à se déchirer pour essayer à tout prix de prouver qu’on a raison. Il est temps de réaliser qu’au-delà de nos différences d’identité, de culture et de puissance, nous avons besoin de commencer par nous respecter les uns les autres, et par comprendre que nous avons tous besoin les uns des autres.

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