Vive le célibat !

Elles se marient de plus en plus tard, quand elles ne choisissent pas de rester seules. Leur priorité : réussir leur vie professionnelle et s’assumer financièrement.

Publié le 15 mars 2005 Lecture : 2 minutes.

Un des indices éloquents de la transition démographique et sociale de la Tunisie est le taux élevé du célibat féminin. En effet, 38 % des Tunisiennes en âge de se marier restent célibataires. Un taux qui n’a cessé de croître, passant de 24 % en 1984 à 54 % en 2001 chez les 20-24 ans, pour atteindre 30 % chez les 30-34 ans. Pourquoi ce choix ?
De fait, l’amplification de ce phénomène reflète avant tout les profonds changements d’une société qui a assumé dès le milieu du siècle dernier l’émancipation de ses femmes. Ce n’est donc pas un hasard si cette caractéristique des pays développés touche des Tunisiennes dont le statut juridique – sans conteste le plus avancé du monde arabe – signe la fin de la tutelle des hommes. Elle traduit chez elles une volonté de suivre des études poussées pour assurer leur indispensable indépendance matérielle, gage de liberté. L’évolution des mentalités constitue également un facteur important, car le regard sur le statut de la célibataire a changé. Si certains milieux traditionnels restent imprégnés de l’adage selon lequel « celui qui se marie possède la moitié de sa religion », de plus en plus de parents admettent que leur fille reste seule plus longtemps si cela lui permet de s’épanouir dans son travail et ses liens amicaux. L’âge moyen du mariage des femmes a augmenté : de 23 ans en 1985, il est de 26,9 ans aujourd’hui.
Selon une étude du Credif (Centre de recherches, d’études, de documentation et d’information sur les femmes) menée sur un échantillon de célibataires vivant à Tunis et issus de milieux sociaux divers, les femmes interrogées se disent peu pressées de convoler en justes noces. Si le mariage était naguère un moyen d’échapper à l’autorité familiale, celles-ci réfléchissent aujourd’hui avant de s’aventurer dans la vie conjugale. La question du choix s’avère importante : la Tunisienne admet de moins en moins un mari désigné par ses parents et tient à choisir le père de ses enfants. Certaines dénoncent à ce sujet le manque de responsabilité des hommes ou leur infidélité, deux motifs qui les dissuadent de franchir le pas. La liberté des moeurs, expliquent-elles, encourage les hommes célibataires à fréquenter plusieurs femmes sans avoir à supporter les inconvénients du mariage. D’où la difficulté de trouver l’oiseau rare.
On assiste en outre à une vraie remise en question de l’institution elle-même. À commencer par le coût exorbitant de la cérémonie. Les plus instruites contestent ce rituel et sont convaincues qu’il n’a plus lieu d’être. Celles qui s’assument entièrement rechignent à considérer le mariage comme une issue obligatoire. Elles expriment leur refus des critères sociaux qui régissent les rapports matrimoniaux et dénoncent leur influence pernicieuse sur l’amour. Sans complexe, elles déclarent que « le célibat n’est pas une fatalité, mais une forme de liberté » pour conclure ironiquement : « Quand on voit le nombre des litiges matrimoniaux et, surtout, la solitude de nombreuses femmes au sein même de leur couple, on se dit que, finalement, toutes les Tunisiennes sont célibataires ! »

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