Service public oblige

Grâce à un système de tarification progressive, la quasi-totalité de la population bénéficie des prestations de la société nationale de distribution.

Publié le 15 mars 2005 Lecture : 4 minutes.

Le taux d’accès de la population à l’eau courante atteint, en Tunisie, 98,6 % en milieu urbain et 88 % en milieu rural, alors qu’il est en moyenne de 60 % en Afrique et de 82 % dans le monde. Comment expliquer une telle réussite ? En fait, la Tunisie peut s’enorgueillir d’avoir pratiquement résolu le problème de l’accès à l’eau potable grâce à un système de tarification progressif et solidaire que la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (Sonede) est l’une des rares à utiliser. « C’est l’aboutissement d’une volonté politique qui a toujours fait de l’accès à l’eau l’équation de base pour le développement économique et social et un moyen efficace de lutte contre la pauvreté », répond Abdelaziz Limam, directeur de la planification et des études générales à la Sonede. Mais la volonté politique à elle seule ne suffit pas. Il
fallait aussi faire preuve de « bonne gouvernance », tant sur le plan technique que financier.
La Sonede affiche un taux de rendement de réseau de 85 %, dans le respect des normes internationales, fixées entre 80 % et 90 %. Cela signifie que, tout au long de ses 38000 km de réseau de canalisations, la quantité d’eau perdue en raison de fuites de toutes sortes n’excède pas 15 % de la quantité totale distribuée. Une performance atteinte, à quelques exceptions près, sans aides publiques : « Depuis sa création en 1968, souligne
Abdelaziz Limam, la Sonede ne reçoit aucune subvention de l’État pour l’exploitation. Et elle n’en perçoit plus pour l’équipement depuis 1978. » La Société nationale se comporte donc comme n’importe quelle société industrielle et commerciale dans un contexte concurrentiel, bien qu’elle soit obligée de répondre à des contraintes de service public, avec les exigences de solidarité que cela comporte. Et elle y parvient sans pour autant
compromettre son équilibre financier.
Grâce à une politique de prix progressifs que la Tunisie est l’un des rares pays à pratiquer, au cours de ces cinquante dernières années, le réseau de distribution d’eau a d’abord gagné les grands centres urbains, puis les villes de taille moyenne et, à partir
de la fin des années 1970, les zones rurales proches. C’est ainsi que la couverture des zones urbaines a pu être assurée à 100 % dès 1981, avec un taux de branchement de 98,6 % en 2004. Dans les campagnes, où réside 34 % de la population, ce taux, de 88 % à la fin de 2004, est pour moitié pris en charge par la Sonede. La moitié restante étant gérée par les Groupements locaux d’intérêts collectifs (GIC) là aussi une originalité. En effet, il existe des zones défavorisées, dites « zones d’ombre », où les populations n’ont pas de revenus suffisants pour supporter les frais d’accès à l’eau potable. Du fait qu’elles sont trop dispersées et éloignées du réseau de la Sonede, les investissements nécessaires
pour leur amener l’eau potable sont élevés et peu rentables. C’est donc à l’État de les engager à travers plusieurs fonds ou programmes spécifiques : le programme dit Projets
présidentiels (PP), le Fonds de solidarité nationale (FNS), plus connu sous le nom du Fonds 26/26, le Programme de développement rural intégré (PDRI), le Programme régional de développement (PRD) et le Programme de développement urbain intégré (PDUI). Tournés d’une façon générale vers la lutte contre la pauvreté, ils contribuent au financement de ces projets dont la gestion est confiée aux GIC. Lorsque l’accès à l’eau ne provient pas d’une
source locale comme les puits, les divers GIC achètent l’eau potable de la Sonede à un prix modeste (25 % de son coût de production) et la redistribuent eux-mêmes à travers leur
sous-réseau.
Que reste-t-il à faire ? Maintenant que la mission est accomplie pour la couverture des zones urbaines, le Programme présidentiel pour la période 2005-2009 met l’accent sur trois priorités : l’accès universel à l’eau potable dans les zones rurales, l’amélioration
de la qualité des eaux et les économies d’eau. Pour le monde rural, l’objectif est d’atteindre un taux d’accès à l’eau potable de 90 % en 2006 et de 95 % en fin de période. En matière de qualité de l’eau, l’accent devra être mis sur la réduction de la salinité des eaux saumâtres, notamment dans le centre et le sud du pays. L’objectif national est de ne pas dépasser 1,5 gramme de sel par litre. Quatre stations de dessalement sont actuellement en service, et dix autres seront implantées dans des zones urbaines de
taille moyenne. Un programme de huit stations supplémentaires est prévu pour la période
2007-2011. Sur l’île de Djerba, où le tourisme accroît la consommation d’eau, on s’attend à un déficit quantitatif et qualitatif à l’horizon 2008-2010. C’est pourquoi il est prévu d’y lancer, en 2008, un projet de dessalement d’eau de mer le premier du pays d’une capacité de 50000 m3 par jour. L’étude est prête et le projet devrait être réalisé par des privés selon la formule de la concession BOT (Build, Operate, Transfer). Quant au
programme d’économie d’eau, il entend réduire la consommation de 30 % d’ici à 2030 grâce
aux systèmes d’audit chez les gros consommateurs dans l’agriculture, l’industrie, ou le tourisme, et récompenser par l’octroi d’avantages financiers tous ceux qui produisent
eux-mêmes de l’eau potable. Y compris les propriétaires de maisons individuelles qui construisent, sur leur parcelle, une citerne pour récupérer les eaux de pluie. Une bonne vieille méthode dont l’usage était quasi général au début du siècle dernier, avant que le robinet pénètre dans les foyers.

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