Proparco déploie un milliard d’euros de plus pour l’initiative Choose Africa

La filiale de l’AFD dédiée au secteur privé consacrera finalement 3,5 milliards d’euros aux entreprises africaines. Décryptage avec son directeur général, Grégory Clemente.

Bigot Flower Farm, une entreprise soutenue par Proparco. © Proparco / Fredrich Ochieng

Bigot Flower Farm, une entreprise soutenue par Proparco. © Proparco / Fredrich Ochieng

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Publié le 30 novembre 2020 Lecture : 6 minutes.

Trois ans après le discours de Ouagadougou au cours duquel le président de la République française, Emmanuel Macron, a annoncé un engagement fort de la France aux côtés des entrepreneurs africains, le groupe Agence française de développement (AFD) s’engage à mobiliser 1 milliard d’euros supplémentaires dans le cadre de l’initiative Choose Africa.

Ce nouveau volet baptisé « Choose Africa Résilience », sera mis en œuvre par Proparco, et doit permettre de répondre aux besoins des TPE-PME en Afrique impactées par les crises sanitaire et économique liées à la pandémie de Covid-19.

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Cette initiative, initialement fixée à 2,5 milliards d’euros pour la période 2018-2022, est ainsi portée à 3,5 milliards d’euros.

Pour Jeune Afrique, Grégory Clemente, directeur général de Proparco depuis 2016, revient sur quatre années de mandat à la tête du bailleur publique français : son bilan, sa stratégie et ses perspectives…

Jeune Afrique : Nous sommes exactement à mi-parcours des objectifs de Choose Africa. L’an dernier, Proparco avait mobilisé 750 millions d’euros sur les 2,5 milliards de l’initiative. Comment le processus a-t-il accéléré ?

Gregory Clemente © Alain Goulard

Gregory Clemente © Alain Goulard

Grégory Clemente : Nous sommes à plus de 2 milliards d’euros déployés ; donc en avance sur le plan initial.

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Ces 2 milliards d’euros sont répartis selon les différents instruments qui composent Choose Africa : les financements à moyen et long termes pour 1,15 milliard d’euros ; des produits de garantie pour 465 millions d’euros ; et 380 millions d’euros d’investissements directs ou à travers des fonds d’investissement dans les TPE et PME.

Avec cette initiative, nous avons par exemple, réalisé un prêt intermédié de 3 millions de dollars au profit d’Advans RDC, une institution de microfinance congolaise, ou encore un prêt de 20 millions de dollars, associé à une subvention d’assistance technique de 300 000 euros, pour le compte de Bank of Kigali, pour soutenir le développement de PME rwandaises…

À ce stade, ce sont déjà 16 000 entreprises qui vont bénéficier de l’initiative Choose Africa

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À cela s’ajoute le doublement de l’enveloppe en faveur des start-up dans le cadre de l’initiative Digital Africa, qui avait été annoncée en même temps que Choose Africa. L’engagement en faveur des jeunes entreprises est porté de 65 millions d’euros à 130 millions d’euros, avec des initiatives nouvelles comme la mise en place du fond « Bridge by Digital Africa », qui va permettre de faire des prêts-relais à ces start-up en attendant qu’elles puissent reprendre leur processus de renforcement de leurs fonds propres.

Finalement, nous avons également dépassé l’objectif de 10 000 entreprises bénéficiaires, puisqu’à ce stade, ce sont déjà 16 000 entreprises qui vont bénéficier de l’initiative Choose Africa. Cela veut dire des milliers d’emplois directs ou indirects qui ont pu être maintenus ou créés.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la prochaine étape, Choose Africa Résilience, qui vient accroître l’encours de Proparco en faveur des PME en Afrique en raison de la crise du Covid-19 ?

Nous sommes partis du constat que les entreprises les plus fragiles, celles du secteur informel notamment, étaient celles qui allaient le plus souffrir de la crise. Car, d’une manière générale, ce sont déjà des acteurs qui éprouvent des problèmes d’accès à la bancarisation, au financement et au refinancement.

Le contexte de crise est venu exacerber leurs difficultés. Le rôle de Proparco, en particulier au travers du programme Choose Africa, est d’autant plus pertinent pour le secteur privé. Par conséquent, en plus des mesures d’urgence accordées dès le mois de mars, comme des moratoires ou des reports de créances, nous allons mettre en place d’autres instruments et des ressources pour remplir pleinement notre mission : apporter des financements et de l’impact.

Les parlementaires ont ainsi voté fin juillet une garantie de 160 millions d’euros au groupe AFD, que Proparco va mettre en œuvre en faveur du secteur privé, exclusivement sur le continent africain.

Ce sont ces 160 millions d’euros qui nous permettent de financer le nouveau volet de l’initiative, Choose Africa Résilience : 100 millions seront utilisés pour offrir une garantie à 80 % à 125 millions d’euros de prêts consentis par des banques locales à des TPE ou des PME de moins de 200 salariés, affectées par la crise.

l’initiative Choose Africa sera portée de 2,5 milliards à 3,5 milliards d’euros

Le groupe AFD a signé une convention avec l’État le 18 novembre, ce qui va nous permettre de démarrer ce produit de garantie dans les prochaines semaines, en partenariat avec des clients bancaires historiques de Proparco.

Les 60 millions d’euros de garanties restantes vont être utilisés pour garantir des financements à court terme consentis par des banques locales à des TPE/PME, des micro-prêts consentis par des institutions de microfinance ou des prêts directs de Proparco à des entreprises.

En tout, entre ce que Proparco est capable d’apporter au travers de son propre modèle économique et les instruments évoqués ci-dessus et construits autour de ressources publiques, nous allons pouvoir apporter un volume additionnel à l’initiative Choose Africa d’un montant d’environ 1 milliard d’euros, avec notamment 160 millions d’euros alloués par l’État français, et 100 millions d’euros de garanties levées auprès de l’Union européenne.

Cela permettra de porter l’initiative de 2,5 milliards à 3,5 milliards d’euros.

Profil, taille, gamme d’outils… En quatre ans, Proparco a énormément changé

Concrètement, comment passe-t-on de 1 milliard d’euros déployé en 2016 à 3,5 milliards d’euros à présent, rien qu’en Afrique ?

Le volet additionnel étant destiné essentiellement à répondre aux impacts de la crise, nous nous donnons comme objectif de déployer ces financements d’ici à la fin de l’année 2021.

>>> Lire aussi sur Jeune Afrique Business+ : Covid-19: Proparco sonde ses partenaires pour répondre à la crise

La montée en puissance de nos appuis au continent africain s’est réalisée de façon empirique. Il y a trois ou quatre ans, Proparco déployait, en effet, environ 1 milliard d’euros par an. En 2019, nous sommes montés à 2,5 milliards d’euros. Ceci est lié au fait que nous avons énormément changé, de profil, de taille également, notre gamme d’outils ne fait que s’enrichir.

Par ailleurs, le fait que la première garantie du groupe AFD – Ariz, avec plus de 2 milliards d’euros de financements accordés à des TPE-PME au cours des dix dernières années – soit revenue dans le giron de Proparco au 1er janvier 2019, y contribue.

Quelle est la nouvelle feuille de route de Proparco en termes de portefeuille, de ressources allouées, de fonctionnement… pour l’avenir ?

Forts du bilan positif que nous venons de détailler, notre nouvelle cible est d’atteindre 3 milliards d’euros par an en 2022. Et ce grâce à l’ancrage à notre maison mère, l’AFD, et à notre capacité à créer des synergies, ainsi que grâce à notre capacité à construire des coalitions avec d’autres acteurs.

L’annonce d’une vingtaine d’institutions de financement du développement d’accorder un soutien de 4 milliards de dollars en faveur du secteur privé africain, lors du Sommet finance en commun organisé du 10 au 12 novembre dernier à l’initiative de l’AFD et de son directeur général, Rémy Rioux, est un parfait exemple de cette nouvelle dynamique.

Sur ces 4 milliards de dollars, 1 milliard d’euros viennent du groupe AFD, via le financement additionnel Choose Africa Résilience. C’est la contribution de la France à cette initiative.

Mais derrière tous les chiffres que nous citons, ce qui nous importe est d’avoir un impact sur le terrain : par rapport aux objectifs de développement durable, aux objectifs de développement économique, d’accès à la bancarisation, de création et de maintien d’emplois…

Ainsi, dans le cadre de l’initiative Choose Africa, plus de 2 000 entreprises vont bénéficier d’un accompagnement extra-financier, essentiellement sur les objectifs de développement durable (ODD) et les sujets environnementaux et sociaux.

La prochaine frontière est la capacité, pour des acteurs comme Proparco, à mobiliser de purs investisseurs privés

Cette démarche est-elle rentable ?

Oui. Car quand on prend individuellement le portefeuille de nos opérations, et cela sur une longue période, Proparco a fait la démonstration que nous pouvions investir dans des pays en développement, dans des pays émergents, en étant rentables. Et en ayant des impacts significatifs sur les économies, sur les populations et sur le développement de ces pays.

La prochaine frontière est sans doute la capacité, pour des acteurs comme Proparco, à mobiliser de purs investisseurs privés (compagnies d’assurance, capital-investisseurs…) pour leur démontrer que l’on peut investir dans ces régions en étant rentables.

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