Comment vivent les Tunisiens

Les chiffres du dernier recensement révèlent l’évolution d’une société en pleine mutation. Décryptage.

Publié le 15 mars 2005 Lecture : 5 minutes.

Comment les ménages tunisiens ont-ils évolué entre 1994 et 2004 ? Comment se logent-ils ? Quel est leur niveau de confort actuel ? Disposent-ils d’un accès à l’eau courante, d’un branchement à l’électricité, d’un réseau d’assainissement, du téléphone ? Combien d’entre eux possèdent une télévision ? Et une voiture ? Quel est leur niveau d’éducation ? Où en est l’emploi ? Bref, où en est la lutte contre la pauvreté ?
Riches d’informations, les premiers résultats du recensement de la population effectué en avril 2004 permettent d’apporter une réponse à ces questions. Comparés à ceux d’il y a dix ans, ils attestent une nette amélioration des conditions de vie matérielle des Tunisiens, qui se rapprochent, à certains égards, des standards des sociétés développées.
Sur le plan démographique, on constate qu’il y a moins d’enfants, que les actifs sont plus nombreux et que la population vieillit. Deux Tunisiens sur trois ont entre 15 ans et 59 ans, ce qui traduit une tendance à l’élargissement de la tranche des actifs. Environ un sur dix atteint la soixantaine et plus ; compte tenu de la pyramide des âges et de la comparaison avec les recensements précédents, ce résultat dénote l’apparition d’un papy-boom avec le vieillissement de la population, fruit de l’augmentation de l’espérance de vie, estimée à 73 ans en moyenne en 2003. Inversement, le pourcentage des moins de 4 ans enregistre une baisse : ils ne sont plus que 8 % alors qu’ils représentaient 11 % de la population totale en 1994 – tendance observée depuis plusieurs années avec la diminution des inscriptions dans l’enseignement primaire. Au cours de la dernière décennie en effet, le taux de croissance démographique moyen, de 1,2 %, a baissé de moitié par rapport aux années 1984-1994. Ce résultat s’explique par la modernisation du système de santé et une pratique du planning familial établie depuis longtemps. Le taux de célibat, en augmentation par rapport à la décennie précédente, se situe à 47 % chez les hommes âgés de 15 ans et plus et à 38 % chez les femmes. Corrélativement à ce phénomène de célibat tardif, la taille moyenne des ménages, en diminution constante, atteint désormais 4,5 membres. Certes, le recensement n’en fournit pas les causes, mais il est établi que le chômage (14 % de la population active) et les exigences matérielles accrues pour fonder un foyer contribuent largement au report de l’âge moyen du mariage, qui était de 29 ans en 2001. Le taux de chômage, en baisse de 1,7 % en dix ans, reste problématique. Depuis les années 1960, il évolue dans les limites d’une fourchette allant de 13 % à 16 % et touche de plus en plus de jeunes, hommes ou femmes. Il n’épargne pas les diplômés de l’enseignement supérieur, de plus en plus nombreux à la suite du fort développement de l’enseignement universitaire : en 2003, 52 % des nouveaux demandeurs d’emploi en sont issus, et ce taux devrait monter à 70 % en 2006. Dès lors, on attendra avec intérêt les résultats affinés du recensement pour savoir quelle est l’ampleur du phénomène, sachant par ailleurs que la proportion des chômeurs illettrés est passée de 24,4 % en 1994 à 9,5 % en 2001, tandis que les diplômés représentaient 7,1 % des sans-emploi en 2000 contre seulement 4,7 % en 1999. Le chômage des femmes évolue parallèlement à leur taux d’activité, qui est passé de 23,6 % en 1994 à 26,6 % en 2000.
Le changement de nature du chômage s’explique par le fait que, dans l’ensemble, trois Tunisiens sur quatre sont instruits. En gros, un sur trois a le niveau de l’enseignement primaire, et un sur trois celui du secondaire. Ceux qui ont étudié dans le supérieur ont vu leur nombre doubler par rapport à 1994 et représentent 8 % de la population à la fin de 2004. Il n’en demeure pas moins que le taux d’analphabétisme, même s’il a baissé d’un tiers par rapport à son niveau d’il y a dix ans du fait des progrès de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, touche encore un Tunisien – d’âge mûr – sur cinq.
Avec un rythme moyen de 3 % par an, le nombre de logements s’accroît plus vite que la population, ce qui dénote l’absence de crise dans ce domaine. Le Tunisien a une préférence marquée pour l’habitat individuel, que ce soit une maison traditionnelle (houch), dans la moitié des cas, ou une villa moderne, qui représente un peu plus du tiers des habitations. Il est encore peu attiré par la vie en appartement, qui représente un treizième des habitations totales du pays. Selon les statistiques, les maisons dites rudimentaires sont en voie de disparition et il n’en resterait que moins de 1 %. Dans quel état se trouvent les maisons traditionnelles (maison arabe, houch, bordj) censées représenter la moitié du parc de logements, les statistiques ne le disent pas.
Il serait intéressant de le savoir, car bon nombre d’entre elles pourraient être classées dans la catégorie des taudis, tant la promiscuité y est importante et les conditions d’hygiène aléatoires. Inversement, une habitation sur quatorze est « inhabitée » au moment du recensement, le plus souvent parce qu’elle tient lieu de résidence secondaire. Dans l’ensemble du pays, le nombre de pièces s’établit à trois par logement en moyenne, mais une habitation sur quatorze n’en comprend qu’une.
Eau, électricité, équipements électroménagers, téléphone, voiture : le confort se démocratise. Sur les dix millions d’habitants que compte le pays, deux sur trois vivent en zone urbaine. La connexion au réseau électrique est quasi générale (98,9 % des habitations). Le branchement au réseau de distribution d’eau concerne plus de huit foyers sur dix. Une habitation sur deux est connectée à un réseau d’assainissement, en zone urbaine la plupart du temps.
En matière d’équipement, sur dix foyers, neuf disposent d’un téléviseur, huit d’un poste de radio et d’un réfrigérateur. De surcroît, près de la moitié des ménages ont acheté une antenne parabolique et captent les chaînes de télévision par satellite. Un sur deux seulement utilise une cuisinière, un sur trois une machine à laver. Un sur cinq possède une voiture, un sur trois le téléphone fixe, un sur deux le mobile par l’intermédiaire de l’un de ses membres.
Quant à la climatisation, elle équipe un logement sur vingt. Ces progrès, la Tunisie les doit à une politique volontariste de l’État qui, par la régulation des naissances et un taux de croissance maintenu aux alentours de 5 % par an, a su favoriser le développement d’une classe moyenne.

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