Cap sur la ville

La baisse des activités agricoles accélère l’exode vers les villes. Pour trouver du travail, beaucoup n’hésitent plus à changer de région ou de pays.

Publié le 15 mars 2005 Lecture : 2 minutes.

Amorcé dès les années 1960, l’exode rural ne cesse d’augmenter en Tunisie. Aujourd’hui, les zones urbaines drainent les deux tiers de la population, soit plus de 65 % contre 61 % au cours de la décennie 1984-1994. Le district de Tunis et la région du Centre-Ouest en abritent plus du cinquième. La capitale concentre à elle seule 20 % des habitants, alors qu’elle ne représente que 2 % de la superficie totale du territoire.
Les activités industrielles et tertiaires implantées dans les grandes agglomérations expliquent cet exode massif. En effet, la part de l’agriculture dans le PIB est passée de plus de 21 % au début des années 1960 à moins de 12 % à la fin des années 1990. L’arrivée des femmes sur le marché du travail n’a fait qu’accentuer ce phénomène, les jeunes Tunisiennes estimant avoir plus de chance d’accéder à un emploi en milieu urbain.
D’une façon générale, 1,6 million de Tunisiens ont changé de lieu de résidence entre 1999 et 2004, ce qui donne un taux de mobilité de 16,9 %. Parmi ces migrants, 76 000 ont quitté leur pays (contre 28 100 à y être revenus) et 444 600 se sont contentés de changer de gouvernorat. Ce dernier cas de figure représente 26,6 % de l’ensemble des flux migratoires et atteste une évolution des mentalités : le Tunisien accepte désormais de quitter son lieu de naissance et la « terre de ses ancêtres », alors qu’il y a vingt ans un Sfaxien s’en allait rarement vivre à Tabarka, et un natif de la douce Djerba se sentait exilé sur les hauteurs enneigées du Kef.
Aujourd’hui, la recherche de l’emploi, les études et le regroupement familial poussent à la mobilité. Mais celle-ci est souvent à sens unique. On émigre vers les régions du Nord-Est, peu au Sud et très rarement vers le Nord-Ouest, qui enregistre le moins de candidats à l’immigration et accuse, pour la première fois, un amoindrissement de sa population. Le taux le plus bas du développement démographique a été enregistré dans les villes du Kef et de Siliana, où la population a diminué de 0,1 %, alors que le taux de développement démographique dépasse 2 % dans le Nord et le Sahel.
Autre caractéristique de ces flux migratoires : l’exode rural a changé de visage. Un modèle de mobilité itinérante, répétée, a remplacé celui des années 1970 et 1980. À l’époque, les ruraux venaient s’installer avec femmes et enfants dans les quartiers périphériques des grandes agglomérations, tels qu’El Omrane ou Hay Ettadhamen. Aujourd’hui, une nouvelle catégorie d’employés intermittents vient travailler à la semaine ou au mois, puis repart. « On assiste à un phénomène d’exode qui n’est pas vraiment quantifiable, parce que les gens bougent plus », commente le démographe Hafidh Lahmar. Ces vrais-faux résidents des centres urbains – maçons, mécaniciens ou manutentionnaires – choisissent le mode de vie cosmopolite des grands centres urbains où ils consomment comme les gens des villes, sans en faire vraiment partie. Puis ils retournent au village pour retrouver leur famille.

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