[Chronique] L’Afrique ne dépose pas les armes
Établi chaque année, le classement mondial de Global Firepower montre que l’Afrique est toujours largement militarisée. Et pas uniquement pour des questions de défense…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 4 décembre 2020 Lecture : 2 minutes.
0,70%. C’est le score obtenu, à la toute récente élection présidentielle burkinabè, par le candidat pacifiste Pascal Sessouma qui considère « que les chars ne sont pas des outils de développement ». Si la conversion d’un budget militaire en tracteurs ou en lits de réanimation est un argument séduisant, la promesse de supprimer le ministère de la Défense n’est pas seulement anticonformiste. Elle paraît incongrue dans un Sahel perclus d’attaques jihadistes.
Le classement 2020 de la force militaire (2020 Military Strength Ranking) du site globalfirepower.com est là pour démontrer que le renoncement au treillis n’est pas à l’ordre du jour sur le continent africain.
L’Égypte, l’Algérie et l’Afrique du Sud en tête
Les analystes du groupe Global Firepower fournissent, chaque année, le palmarès du « PowerIndex », qui compile les données militaires de plus de 125 États, et renseigne notamment sur leur capacité de guerre conventionnelle potentielle sur terre, mer et air, information mise en perspective avec une cinquantaine de facteurs comme les ressources ou les données géographiques.
Sous ce prisme fait d’un relativisme très étudié, l’Égypte, par exemple, est présentée comme dotée d’une armée à la puissance plus remarquable que certains pays économiquement plus développés – l’Italie, Le Danemark ou l’Australie – ou que certaines nations réputées très militarisées – l’Iran, la Turquie, le Pakistan, Israël ou même l’Arabie saoudite.
Les armées ne sont pas que des moyens de défense. Elles sont souvent des tremplins politiques.
Premier pays africain du classement, neuvième à l’échelle mondiale, l’Égypte d’Abdel Fattah al-Sissi n’est distanciée que par les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud, la France et le Royaume-Uni. L’Algérie et l’Afrique du Sud se succèdent aux 28e et 29e places, tandis que le Nigeria se classe 42e, l’Angola 56e et le Maroc 57e. Devant la lanterne rouge – le Bhoutan et sa mesure du « Bonheur national brut »–, le Liberia et la Somalie se classent respectivement 137e et 136e. 71e, la RDC est le premier pays africain francophone du classement.
Généraux et maréchaux présidents
Si l’Afrique réputée « pauvre » n’est guère économe en dépenses militaires, c’est que les armées ne sont pas que des moyens de défense. Elles sont souvent des tremplins politiques. En treillis plus ou moins maquillés, on protège le pouvoir autant qu’on le conquiert… À la tête de l’Égypte qui domine la frange africaine du classement de Global Firepower, le maréchal-président a permis à l’armée de retrouver peu ou prou le pouvoir politique qui lui avait été ôté par un Printemps arabe dont on s’apprête à célébrer le dixième anniversaire.
À l’élection présidentielle algérienne de 2019, l’actuel chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, était affublé, lui, du sobriquet de « candidat de l’armée ». Le Nigérian Muhammadu Buhari est général. Quant au Tchadien Idriss Déby Itno, récemment bombardé « maréchal », son sacre caricatural démontre la tradition militariste de la politique africaine…
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