L’affaire Khalifa

Publié le 15 mars 2005 Lecture : 2 minutes.

C’était LA success story algérienne. L’irrésistible ascension de Rafik Abdelmoumen Khalifa, jeune homme d’affaires sorti (presque) de nulle part à 33 ans. Entre 1999 et 2003, son groupe industriel s’est transformé en véritable empire, étendant ses activités de l’aéronautique à la banque, en passant par la télévision, la location de voitures, la confection. Les Airbus étaient commandés à la chaîne, les lignes de la compagnie aérienne se multipliaient à la vitesse du son, la banque ouvrait des succursales chaque semaine.
Dès les premiers mois, le doute est apparu : comment le tycoon algérien finançait-il ses activités ? Comment pouvait-il sponsoriser l’Olympique de Marseille, le célèbre tournoi de tennis de Monte-Carlo, une écurie de sport automobile, organiser les événements people les plus « tapageurs » de ces dix dernières années à Alger, Paris ou Cannes ? Aucun bilan financier à se mettre sous la dent, un black-out total sur les chiffres. L’argent, lui, circulait bel et bien. D’où provenait-il ? En partie des déposants, mais cela n’explique pas tout, loin s’en faut. Mais à mesure que le mystère s’épaississait, Khalifa, lui, devenait une icône. Adulé par les jeunes qui voyaient en lui un modèle de réussite, apprécié des plus âgés parce qu’il créait des milliers d’emplois dans un pays où le chômage frise les 30 % de la population active, le golden boy flambait. C’était son heure de gloire. Plus dure sera la chute
La faillite du groupe n’aura pas surpris les observateurs les plus avertis. Elle était prévisible. À trop vouloir s’approcher du soleil, Khalifa s’est brûlé les ailes. L’idole
est devenue cible. Un temps proche de la présidence algérienne, il s’est brutalement transformé en « super-opposant » à Bouteflika lors de la présidentielle d’avril 2004. Le Rubicon franchi, seul lui reste son exil londonien. En fuite en Angleterre, sous mandat d’arrêt international et muni de quelques millions de dollars, il coule aujourd’hui des jours paisibles.
Paisible, tout le monde ne l’est pas. Ceux qui ont eu à travailler avec ou pour lui, ceux qui ont reçu de l’argent (personnes privées, entreprises, médias, sportifs, célébrités,
etc.), bref, tous ceux qui ont gravité autour de sa personne, s’inquiètent. L’enquête en cours à Alger et en France est une véritable bombe à retardement. Les virements douteux sont épluchés scrupuleusement, les cartes bancaires mises à disposition par Khalifa Bank et leurs titulaires ont été identifiés. Majorité présidentielle, opposants, patrons de presse ou d’entreprises publiques, artistes, hauts fonctionnaires, agences de communication, sportifs, Algériens, Français, Italiens, Américains La liste de ceux qui ont « monnayé leurs talents » auprès de Khalifa est longue. Presque sans fin. Même si tous
ces versements ne sont pas frauduleux recevoir de l’argent d’une entreprise en échange de prestation n’est pas un délit (J.A./l’intelligent lui-même figure sur la liste des
virements, Khalifa ayant été un de ses annonceurs) , la suspicion est évidente.

Sorte d’affaire Elf algérienne, en pire puisque des dizaines de milliers de déposants ne reverront jamais leur argent, la chute de la maison Khalifa pourrait emporter bien du monde avec elle. La procédure sera longue. Vu les intérêts en cause, le nombre et l’importance des personnalités concernées, de près ou de loin, la montagne pourrait cependant accoucher d’une souris. Le linge sale se lave en famille

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