Un été algérien

À travers l’histoire d’une adolescente condamnée au mariage forcé, une charge féroce contre les préjugés de la société traditionnelle.

Publié le 14 février 2005 Lecture : 2 minutes.

Dans son dernier roman, l’Algérienne Leïla Marouane met à nouveau en scène une histoire très sombre. Après Le Châtiment des hypocrites (Le Seuil, 2001), où elle retrace l’itinéraire d’une femme sombrant dans la folie au terme de multiples déboires, à commencer par son enlèvement par des terroristes islamistes, elle évoque aujourd’hui la destinée d’une adolescente prise au piège des tabous de la société algérienne traditionnelle.
Dans une ville du Sud écrasée par la chaleur et le conformisme, la jeune narratrice vit une morne existence entre un père médiocre imbu de sa personne et une mère, ancienne combattante de la guerre de libération, accablée par les tâches domestiques. Cette dernière, qui rêvait d’une destinée plus glorieuse, a reporté ses espoirs d’émancipation sur sa fille.
Las, soumise elle aussi à la tyrannie du père, la gamine de 14 ans n’en fait qu’à sa tête. Jusqu’au jour où ce même père la surprend en pleins ébats amoureux avec un jeune voisin. Son sort est dès lors scellé. Elle sera donnée en mariage au fils d’un notable de la ville, qu’on suppose souffrir d’une tare rédhibitoire pour devoir se contenter de celle qui passe désormais pour une traînée.
On l’aura compris, le thème de ce récit, bref et incisif, c’est la condition imposée à la femme par une société figée dans ses préjugés machistes. Si l’adolescente vit avec un certain détachement les événements signant sa déchéance, y compris les tests de virginité à répétition, sa mère, qui incarne les illusions perdues de la femme algérienne, retourne contre sa fille toute la haine contenue en elle. En redoublant de violence à son égard, elle voit même un moyen de reconquérir son époux volage. Paradoxalement, le salut viendra des frères qui, jouant jusque-là à acquiescer aux carrières grandioses que leur père projetait pour eux, n’avaient en réalité que mépris pour lui et finissent par refuser l’injustice faite aux femmes de la maisonnée.
Une fois encore, Leïla Marouane livre une vision très noire de son pays qu’elle a quitté pour la France en 1990, refusant d’y rentrer tant que la loi sera aussi défavorable aux femmes. Journaliste de profession, elle se consacre exclusivement à l’écriture romanesque depuis 1996. De livre en livre – La Jeune Fille et la Mère est son sixième ouvrage -, elle construit une oeuvre originale, à l’écriture parfaitement maîtrisée, guidée, non par des codes préétablis, mais par ses pulsions personnelles. On ne s’ennuie jamais à la lire.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires