Tunisie : la tête et les bras

Réussite exceptionnelle pour le pays hôte du XIXe Championnat du monde : sur le plan de l’organisation comme sur celui de la performance sportive.

Publié le 14 février 2005 Lecture : 4 minutes.

En 1994, la Tunisie organisait la Coupe d’Afrique des nations de football. Sa sélection ayant été « éliminée » dès le premier tour, la compétition s’est déroulée devant des gradins à moitié vides. Pour se consoler, les Tunisiens avaient mis en avant leur fair-play et leurs qualités d’organisation. Ils ont aussi retenu la leçon. À quoi bon accueillir des compétitions internationales si l’on n’a pas des compétiteurs capables de relever le défi ?
Avant d’abriter les jeux Méditerranéens en 2001, le pays n’a pas lésiné sur les moyens pour se doter d’infrastructures sportives modernes et former des athlètes de niveau mondial. Les résultats ont dépassé les prévisions les plus optimistes. Trois ans plus tard, c’est un onze tunisien survolté et (presque) irrésistible qui a remporté, pour la première fois de son histoire, la CAN 2004 devant son public, au stade olympique de Radès, au sud de Tunis. Les Aigles de Carthage, qui ont souvent manqué de caractère, ont enfin compris qu’ils étaient capables de rivaliser avec les meilleurs. La quatrième place « arrachée » par le sept tunisien au terme du XIXe Championnat du monde de handball confirme que tout est possible à condition de s’en donner les moyens et, surtout, l’ambition.
Durant une quinzaine de jours, du 24 janvier au 6 février, les Tunisiens (et, surtout, les Tunisiennes) ont vibré aux prouesses de leurs « gros bras », qui, à l’exception du géant Wissem Hmam (1,98 mètre, 107 kg), faisaient pourtant figure de petits lutins. Face à des joueurs européens athlétiques et expérimentés, les Rouge et Blanc ont déployé un jeu plaisant, tout en finesse technique et en… ruses. Tout en vitesse aussi. Avec, en prime, de la joie et de l’enthousiasme, qui contrastaient avec la vigueur physique et la rigueur tactique de leurs adversaires.
Le sept tunisien a terminé premier de son groupe au tour préliminaire (devant la France, la Grèce, le Danemark et l’Angola) puis au tour principal (devant la France, la Grèce, la Russie, la République tchèque et la Slovénie). Seule équipe à ne pas avoir concédé de défaite durant les deux premiers tours (5 victoires et 3 matchs nuls), la Tunisie a surclassé quelques prestigieuses sélections (République tchèque, Danemark et Russie) et fait trembler deux géants de la discipline (Espagne et France). Elle ne s’est inclinée devant les futurs champions du monde, les Espagnols, en demi-finale, qu’avec avec trois points d’écart (30-33), alors que les champions sortants, les Croates, ont perdu, en finale, avec un écart de six points (34-40).
S’il a raté le podium d’un cheveu (25-26), en concédant la troisième place à la France, au terme d’un match âprement disputé qu’il a pourtant dominé durant les trois quarts du temps, le sept tunisien est, après l’Égypte chez elle en 1996, le seul en Afrique et dans le monde arabe à être allé aussi loin dans cette compétition. Désormais quatrième meilleure équipe au monde, son meilleur classement en sept participations aux Championnats du monde (en 2001, en France, elle s’était classée 10e), « la Tunisie a été favorisée par le fait de jouer… à huit », a dit un confrère, faisant allusion au public de la salle de Radès, qui a su porter son équipe à bout de bras, surtout dans les moments difficiles, lorsque les joueurs, fatigués par une débauche d’énergie, commençaient à fléchir.
L’entraîneur de l’équipe, le Croate Sead Hasanefendic, qui avait cru un moment pouvoir réaliser l’exploit de mener les siens au sacre final, était certes déçu d’avoir trébuché sur l’avant-dernière marche, mais heureux tout de même d’avoir honoré son contrat : « La Tunisie a fait un énorme progrès, et je suis fier d’entraîner cette équipe. On est aujourd’hui parmi les meilleurs dans le monde », a-t-il déclaré à l’issue de la dernière bataille livrée à la France.
Wissem Hmam, 24 ans, star de l’équipe, a été sacré meilleur arrière gauche et meilleur buteur du tournoi, avec 81 buts. « Il est tout simplement monstrueux de puissance », a déclaré le défenseur de l’équipe de France Didier Dinart. « C’est un grand joueur. Il nous a fait très mal », a renchéri l’entraîneur français Claude Onesta après le premier match France-Tunisie (26-26). Aujourd’hui élevé au rang de héros national, l’athlète prodige de Menzel Temime, ville agricole du Cap Bon, a reçu plusieurs offres de clubs français (Montpellier), espagnols et allemands. La plupart de ses coéquipiers, dont certains jouent déjà dans des clubs européens, ont tapé dans l’oeil des recruteurs de l’autre rive. L’avenir de l’équipe est donc assuré.
Les Tunisiens sont d’autant plus satisfaits que l’événement s’est déroulé dans une ambiance très festive et sans anicroche. Ainsi, par exemple, 76 tests antidopage ont été effectués, mais aucun joueur n’a été contrôlé positif. Ce qui a fait dire à Ulrich Strombach, président de la Fédération allemande de handball, dont le pays organisera le prochain mondial : « La Tunisie a mis la barre très haut et nous a rendu la tâche plus difficile. » Opinion partagée par tous les participants (joueurs, dirigeants, arbitres, membres des commissions techniques…), à commencer par l’Égyptien Hassan Mustapha, président de la Fédération internationale de handball (IHF), qui, au sortir d’un entretien avec le président Ben Ali, a déclaré : « Aucun Championnat du monde de handball n’a connu, depuis trente ans que je suis cette compétition, un niveau d’organisation aussi performant. »

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