Mali : qui sont les membres du Conseil national de transition ?
La liste des 121 membres du Conseil national de transition, qui jouera le rôle de parlement, a été rendue publique jeudi, après un long bras de fer entre les militaires d’un côté et la classe politique et la société civile de l’autre.
Les membres du Comité national de transition (CNT) sont désormais connus. La liste des 121 personnes qui le compose a été rendue publique jeudi 3 décembre lors du journal télévisé de l’ORTM, la chaîne nationale. Près de deux mois après la prestation de serment du président Bah N’Daw, et de son vice-président, le colonel Assimi Goïta, cet organe législatif – le dernier maillon du dispositif prévu dans le cadre de la transition qui doit durer 18 mois.
Si la composition de ce « parlement de transition » a mis tant de temps à être dévoilée, c’est qu’elle était au cœur d’âpres discussions. Quel équilibre entre militaires, mouvements politiques et organisations de société civile ? Quelles personnalités intégrer ? Le débat a tenu les Maliens en haleine de longues semaines.
L’enjeu est de taille : le CNT est doté des prérogatives de l’Assemblée nationale, dissoute dans la foulée de la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta. Chargé de voter les textes des réformes prévues dans le cadre de la transition, le CNT peut également proposer une révision de la Charte de la transition, mais il doit pour cela réunir au moins le tiers de ses membres, et l’initiative doit être également portée par le président de la transition. Cette proposition de révision doit ensuite, pour être adoptée, recueillir les 4/5ème des votes des 121 membres du CNT.
Équilibre entre militaires et civils
L’élection du président du CNT, qui doit se tenir lors de la session inaugurale, prévue samedi 5 décembre au Centre international de conférences de Bamako, devrait donner lieu à des débats intenses. Le colonel Malick Diaw, numéro deux du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) qui a mené le putsch du 18 août, qui était aussi le seul à n’avoir pas été nommé à un poste important depuis le début de la transition, fait son entrée au CNT. Et pourrait bien en briguer la présidence…
Comme le prévoit la Charte de la transition, la liste diffusée jeudi respecte les grands équilibres fixés à l’origine. Le CNT compte donc des militaires, des membres de groupes armés signataires de l’accord de paix d’Alger, des membres de partis politiques, des personnalités issues du Mouvement du 5 juin- Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), des syndicalistes… Mais tous ne sont pas logés à la même enseigne.
Et le bras de fer qui se joue entre les membres de la junte qui a renversé Ibrahim Boubacar Keïta et les organisations de la société civile a trouvé dans ce débat une nouvelle occasion de s’exprimer. En particulier après la publication, le 9 novembre, d’un décret attribuant 22 sièges aux militaires contre seulement 8 pour le M5-RFP et 11 pour les partis politiques. La pilule a eu d’autant plus de mal à passer que le décret prévoyait que les 11 représentants des quelque 120 partis politiques recensés dans le pays, seraient choisis parmi une liste de 22 noms soumis au préalable au vice-président Assimi Goïta.
Ceux-ci ont mené une fronde contre la clé de répartition et le mode de désignation des députés de transition. Plusieurs partis et regroupements de partis ont même annoncé leur volonté de boycotter le CNT. Mais, à la surprise générale, certains de leurs membres y figurent tout de même.
Ensemble pour le Mali (EPM), regroupement de partis et d’associations de l’ancienne majorité présidentielle, affirmait ainsi de pas vouloir participer… Mais Mamadou Diarrassouba, ancien député du Rassemblement pour le Mali (RPM), y siègera. Il avait été désigné candidat du parti pour la présidence de l’Assemblée nationale en mai dernier, avant que ne soit finalement choisi Moussa Timbiné, fidèle d’Ibrahim Boubacar Keïta. Assarid Ag Imbarkaouane, ancien député et secrétaire général de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema-Pasj), intègre également le CNT.
Du côté de l’ancienne opposition, l’ex-député de l’Union pour la république et la démocratie (URD), Mamadou Hawa Gassama, rejoint le CNT.
Que fera le M5-RFP ?
L’organisation qui a le plus donné de la voix pour contester la mise en place du CNT est le M5-RFP. Mais quelques-uns de ses membres n’en sont pas moins présents dans la liste publiée jeudi. L’un des plus notoires est Issa Kaou Djim, à la tête de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko (Cmas). Ce dernier, en rupture de ban avec le M5-RFP depuis le coup d’État, a estimé à plusieurs reprises que le mouvement était « mort de sa belle mort » et exprimé son soutien à la junte « pour la bonne marche de la transition ». Ce proche de Mahmoud Dicko a cependant insisté sur le fait qu’il n’était pas « demandeur » d’un siège au CNT. Répondra-t-il présent à l’appel samedi ? La question reste en suspens, également, pour plusieurs personnalités du M5 a avoir ainsi été désignées, dont Nouhoum Sarr, l’imam Oumarou Diarra ou encore l’activiste Adama Ben Diarra. Le mouvement n’a, à l’heure où nous écrivions ces lignes, pas officiellement donné sa position.
Les groupes armés signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation de 2015 font également une entrée remarquée au sein du CNT. On note, notamment, la présence de Moussa Ag Acharatoumane, secrétaire général du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), et celle de Attay Ag Abdallah, porte-parole de la Coalition du peuple pour l’Azawad (CMA).
Le CNT compte également des notabilités du nord du pays, à l’image de Mohamed Ag Intall, l’amenokal des Touaregs Ifoghas, président des chefferies traditionnelles et coutumières touarègues du Mali, et d’Abdoul Magid Ag Mohamed Ahmed Al Ansary – dit « Nasser » – , chef général de la tribu Kel Ansar de Tombouctou. Assimi Goïta avait reçu ces deux hommes, le 27 novembre, afin d’échanger sur la situation du pays.
https://www.facebook.com/chefdelatribukelansarnasser/posts/2776857839257233
Enfin, parmi les personnalités du nord à siéger au sein du CNT se trouvent également Badjan Ag Hamatou, ancien député-maire et notable de la région de Ménaka, Alhassane Ag Ahmed Moussa, ancien ministre du Commerce, et Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, ancien membre de la Coalition du peuple de l’Azawad (CPA), considéré en décembre 2018 par l’ONU comme une des personnalités maliennes personnes faisant obstacle à l’application de l’accord de paix.
Une poignée d’organisations de la société civile auront par ailleurs des représentants au sein du CNT. C’est notamment le cas de Dramane Aliou Koné, président de la Maison de la presse, et Ramata Diaouré, présidente de la section malienne de l’Union internationale de la presse francophone.
Moctar Mariko, président de l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH) et Hamadoun Amion Guindo, secrétaire général de la Confédération syndicale des travailleurs du Mali (CSTM) font également leur entrée dans ce parlement de transition. Plusieurs personnalités médiatiques ont également été intégrées à ce CNT, dont le chanteur Salif Keïta, très critique de la gestion d’Ibrahim Boubacar Keïta, et l’acteur Magma Gabriel Konaté.
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